“Cela n’a pas été facile mais c’était la loi, il fallait la respecter“. L’émotion est palpable lorsque Lucette Chizic, 76 ans, évoque l’époque où on lui a ôté la nationalité française.
Cette Floridienne est ce qu’on appelle une “ancienne française”. Née en France, elle a été contrainte de rendre son passeport français en 1967, lorsqu’elle prend la citoyenneté américaine. Près de cinquante ans plus tard, elle s’est finalement décidée à remplir une demande de réintégration de nationalité française. Elle ne compte pas vivre en France, y retourne rarement. Mais comme elle l’explique: “c’est pour ma satisfaction personnelle, pour montrer que je suis toujours française“.
Arrivée aux Etats-Unis en 1961, elle se marie quelques années plus tard avec un Américain, qui travaille alors dans le secteur de la défense. Or à l’époque, “on avait beaucoup de soucis si on travaillait pour le gouvernement et que sa femme n’était pas américaine“.
“Odieux”
De plus, le couple part pour trois ans en Allemagne: Si Mme Chizik veut conserver sa carte verte, il lui faudra revenir tous les ans, au 1er janvier, aux Etats-Unis, ce qui s’annonce fastidieux. Il existe toutefois une autre solution: devenir américaine.
Problème : ce choix implique, comme le consul de Philadelphie lui indique, d’abandonner la nationalité française. A l’époque, une sombre loi française, celle du 9 avril 1954, ôte leur nationalité française aux femmes majeures prenant une nationalité étrangère, à la différence des hommes. Lucette tranche. Non sans peine, elle devient américaine. Elle s’en souvient comme si c’était hier. “Une année, pour revenir voir ma famille en France, j’ai même dû demander un visa, ce que j’ai trouvé odieux“.
Le 9 janvier 2014, le Conseil Constitutionnel corrige enfin une injustice vieille de plus d’un demi-siècle, en déclarant inconstitutionnelle la loi n° 54-395 (elle n’était plus appliquée depuis 1973).
Depuis la décision du Conseil Constitutionnel, une procédure spéciale a été mise en place pour les femmes concernées par cette loi. Ses effets ayant été invalidés, il leur suffit désormais de demander un certificat de nationalité française, sans avoir à passer par le processus de réintégration de nationalité.
Cette année, Lucette devrait donc faire partie des quelques ex-Français à déposer une demande. “J’y ai pensé au cours des années, mais au début je me suis dit que c’était tout un tas de paperasse à remplir, alors j’ai laissé tomber“.
Annie Michel, conseiller consulaire à New York, a récemment organisé une réunion d’information sur ce sujet pour aider et orienter les femmes dans la situation de Lucette. Les cas ne sont pas nombreux, mais elle le confirme: “Il y a une bataille à mener”.