Robin Williams, Jessica Chastain, Adam Driver, Viola Davis : la liste de stars d’Hollywood et de Broadway issues de la très prestigieuse Juilliard School of Drama est longue. Depuis sa création il y a plus de cinquante ans, le conservatoire de la Juilliard, qui jouxte le Lincoln Center au cœur de Manhattan, est une véritable fabrique d’acteurs de haut calibre. L’an dernier, pour la première fois dans l’histoire de l’école, un Français en a reçu le diplôme. Il s’appelle Luca Fontaine.
Né d’une mère italienne et d’un père français et nourri de littérature et de musique, Luca Fontaine est multiculturel depuis toujours. C’est au vidéo club, référence rétro s’il en est, qu’il place la source de sa vocation. « On regardait des films français, Italiens et beaucoup de cinéma américain. Tous les vendredis soir, on allait en famille choisir et louer un DVD. J’allais chercher sur internet le nom des acteurs qui me plaisaient pour comprendre comment ils avaient fait pour réussir. »
Il remarque un fil rouge sur le CV de ses idoles : une école sélective New Yorkaise qui a la particularité d’offrir, outre un conservatoire de Théâtre, un cursus de danse et de musique tout aussi prestigieux. Il commence à s’intéresser à la Juilliard et se présente aux auditions pour l’École une première fois. C’est cependant à son troisième essai, 4 années plus tard, après avoir suivi des cours en Angleterre et à Paris au Cours Simon, que Luca franchi enfin les porte de la Juilliard. Il fera partie de la 51e promotion d’acteurs de l’école. Le premier Français de son histoire.
Pour Luca Fontaine, il y a quelque chose de libérateur et de prometteur associé au fait de développer son métier aux États-Unis. Il note que les Américains portent un regard différent sur la vocation de comédien : « En France Il y a moins de considération pour le métier. On a vite le sentiment que les gens voient ça comme un hobby ou une carrière un peu marginale. En dépit de l’immense production artistique française, il y a moins de respect pour ceux qui se lancent dans le métier » explique-t-il, «Aux États-Unis il y a beaucoup plus d’encouragement pour cette prise de risque. On rencontre aussi beaucoup de gens qui vivent de leur art et ça, ça donne beaucoup d’espoir et de force. »
S’il tire plein parti de l’énergie créative new-yorkaise, Luca Fontaine a en revanche un regret : l’absence de réseau français officiel pour les artistes professionnels expatriés. « Les institutions françaises de New York sont de puissants connecteurs. Il y a des opportunités inexploitées pour favoriser la création artistique française aux États-Unis, et pour des projets qui peuvent ensuite être réexportés en France, remarque-t-il. J’ai des amis musiciens, acteurs, auteurs, compositeurs, tous Français. Ce sont des métiers solitaires la plupart du temps. Il serait utile et d’avoir un centre commun pour se rencontrer, échanger et créer ensemble ». Il sourit, enthousiaste. « Je serais le premier à m’investir dans un tel projet. »
La méthode américaine
Lorsqu’on l’interroge sur les différences entre l’enseignement théâtral « à la française » et celui reçu aux États-Unis, le comédien ne déclare pas de vainqueur. Ce sont deux méthodes différentes et complémentaires, selon lui. L’approche américaine met davantage l’accent sur le corps, et l’analyse de texte : « L’enseignement américain est très ‘’naturaliste’’ : il y a un attachement à tout imaginer du personnage, de son passé, de sa vie. Tout doit être le plus vrai possible et ça demande une analyse en amont du personnage extrêmement développée. Il doit y a voir un sens à tout. ».
Autre aspect notoire de l’enseignement américain : la grande place faite au corps. Les mots suivent le corps, et non l’inverse. « En France on se concentre davantage sur le texte, sur le langage. Il y a un aspect plus intellectuel. Il y a moins d’acteurs physiques ». Il parle de Moni Yakim, illustre professeur de Mouvement de la Juilliard qui soumets ses élèves à de nouvelles formes d’expression et d’improvisation physiques. « C’est comme ça que j’ai appris à être pleinement présent dans mon corps. Si, dans une scène, tu bouges un pied, il doit y avoir une raison. Dans ta vie tu as toujours un objectif physique. Dans un rôle, c’est pareil. »
Quand on lui parle de ses inspirations et du rôle de ses rêves, il assure en riant : « J’ai dit à mon père : ‘’un jour je travaillerai avec Martin Scorcese’’ ». Avec sa double casquette franco-américaine et son diplôme en poche, Luca Fontaine ne se pose pas de limites. Il a d’ailleurs été, fraîchement sorti de la Juilliard, engagé dans « God’s Fool », une pièce de théâtre Off Broadway au théâtre La MaMa dont une nouvelle tournée est prévue en Italie.
En août il sera en tournage en Espagne pour une série du réalisateur Oriol Paulo qui sera diffusée sur Netflix. Luca Fontaine ne s’arrêtera pas non plus au jeu. « J’ai toujours besoin de me renouveler » explique-t-il. Il a créé avec des amis Movart Studios, une compagnie de production, dans le but de produire ses propres films. Il vient d’écrire un court-métrage « Blue or Green » dont il sera à l’affiche, à produire prochainement.
Dans ses inspirations du moment, il cite, entre autres le film français, « L’Évènement » d’Audrey Diwan pour sa poétique et cinglante sobriété, et l’acteur Irlandais Barry Keoghan (nominé pour un oscar du second rôle dans « Banshees of Inisherin » ). « J’ai compris dans son jeu que tout est dans l’attitude plus que dans le texte. Il y a des acteurs dont l’attitude est une œuvre d’art en soi. » Comme disent les Américains, watch this space.