Il s’appelle Peter. Il n’a pas de nom de famille, pas de visage, pas de robe noire. Pour sauvegarder les apparences, vous pouvez l’appeler “maître” si ça vous chante.
Peter est avocat. Sa spécialité: les affaires. Petite particularité: c’est un avocat virtuel. Un robot expert des procédures à qui l’on pose des questions via e-mail comme “Peter, peux tu me donner une version compréhensible de ce contrat? Peter, peux tu me retrouver le numéro fiscal de mon employé ?”
“Si vous êtes une start-up qui démarre et que vous avez besoin d’embaucher, explique le créateur de Hire Peter, Louison Dumont, vous allez payer très cher un avocat qui va souvent faire beaucoup de paperasse. Peter lui, est efficace, il va vous dire le droit sans effet de manche” .
L’idée de lancer ce service, ce jeune entrepreneur de 19 ans l’a eue face à son propre avocat, quand il a réalisé qu’il lui coûtait très cher pour des tâches répétées avec d’autres clients à longueur de journée. Pour le moment, Peter s’attèle uniquement au droit des sociétés, mais son créateur n’exclut pas d’étendre ses compétences à d’autres domaines. Le prix pour une question sur un recrutement: 20 dollars.
“La moitié des avocats trouve que c’est une bonne idée, que ça les décharge de tâches rébarbatives. L’autre moitié nous déteste!” sourit Louison Dumont. Les investisseurs, eux, ont flairé la bonne idée et auraient très vite courtisé le jeune Français qui refuse toutes les propositions avec l’aplomb d’un chef d’entreprise rompu au système. Qui l’a approché ? Il ne donne aucun nom.
L’histoire de Louison Dumont est celle d’un enfant prodige du Loir-et-Cher, un peu différent, décalé par rapport aux petits camarades d’école. “J’ai commencé le codage, la programmation à 8 ans parce que je m’embêtais à l’école, explique-t-il. J’ai très vite compris que le système scolaire n’était pas fait pour moi. J’avais des bonnes notes mais ça ne m’intéressait pas” . Passer une classe n’y changera rien, le garçon a l’impression de perdre son temps. A 13 ans il découvre bitcoin, une monnaie virtuelle qui va lui permettre de gagner de l’argent. Trois ans plus tard, il crée une application pour trouver des médecins à proximité et il lance Bitproof, un système de certification de documents digitaux.
Ensuite vient le bac S au lycée Descartes de Tours: “Tous les autres rêvaient pour la suite d’une prépa parisienne comme Louis le Grand ou Henri IV. Très peu pour moi” , confesse l’adolescent. D’ailleurs, sans attendre les résultats du bac, il s’envole tout seul pour San Francisco. Là, c’est le coup de foudre pour la ville et les Etats-Unis pour cet adolescent solitaire: “En France, je ne rencontrais pas de gens comme moi, à l’école ou dans la rue. Seulement sur internet. J’avais l’impression d’être d’une autre planète. Ici je m’épanouis enfin, mes amis travaillent dans des start-ups ou chez Google ou Facebook” , raconte-t-il très enthousiaste.
Dans la Silicon Valley, ce “babypreneur” est très vite repéré, notamment par Tim Draper, un milliardaire qui a aidé en son temps des start-ups comme Skype ou Tesla. Dans la famille Draper, il fait aussi la connaissance du fils, Adam, qui l’accueille dans son incubateur à San Mateo, spécialisé dans la réalité virtuelle.
Avec Hire Peter, Louison Dumont est maintenant pleinement occupé. Peter est pour le moment disponible en version Bêta, mais la commercialisation ne devrait pas tarder. “Certains clients sont passés au rang “actif” et ça se passe très bien, commente Louison Dumont. Jusqu’à présent l’adolescent n’a pas eu besoin de levée de fonds, grâce à l’argent gagné de ses précédentes affaires mais aussi grâce au soutien de son mentor, Tim Draper. Du haut de ses 19 ans, il va maintenant se lancer dans le recrutement de salariés pour l’aider à lancer Peter. Pour l’embauche au moins il pourra demander conseil à Peter, qui pourrait bien lui faire une petite remise.