Morgane Tschiember est de retour à New York avec « I Poisoned Myself » à la galerie Richard Taittinger, au 154 Ludlow Street dans le Lower East Side. Une exposition solo mêlant la matière, la physique, la métaphysique et la philosophie. Au travers d’une dizaine d’œuvres, l’artiste bretonne a voulu réaliser ce qu’elle décrit comme « un espace de contact empreint d’une tension minimale romantique, qui serait celle du feu sur une peau qu’il brûle, sans pour autant la consumer ».
À son arrivée, le visiteur est accueilli par Each liquid leads to the circle, une expérience à la fois visuelle et olfactive, composée de chaînes en céramique. « La chaîne est un élément qui m’intéresse beaucoup, car elle contient tout le positif et le négatif de l’être. Je l’ai imbibée de fragrances terreuses et atmosphériques, ce qui crée une odeur qui évolue tout au long de la journée », détaille Morgane Tschiember. Des chaînes, l’eau parfumée s’écoule dans un bassin en contrebas, avant de s’évaporer et de s’écouler de nouveau, renvoyant à la thématique du cycle infini.
Sur un mur derrière, Honey drops surprend par son aspect à la fois dur et doux. Suspendue à un crochet de boucher, l’œuvre ressemble à un liquide qui se serait figé en mouvement. « Je l’ai composée de verre et de miel. Tous deux sont des liquides amorphes. J’ai voulu représenter le rapport de force entre ces deux matériaux, désormais figés », explique l’artiste.
À côté, Le Polaroid attire l’œil grâce à sa taille (1,80 m de hauteur) et sa sobriété : sur un fond de noir, ce qui ressemble à un éclair traverse, à l’horizontale, le cadre. « J’ai récupéré un Polaroid dont l’image n’était pas apparue, sauf cette espèce de trait de lumière, raconte la plasticienne. Je l’ai reproduit en beaucoup plus grand. La ligne lumineuse représente l’énergie, qui arrive toujours à casser l’obscurité ».
Au fond de la galerie, la série Skin Poems, composée de sept pièces de deux mètres de long chacune, forme un poème. S’ils semblent être en marbre, les canevas sont constitués d’un mélange de mousses imbibées de cire et de paraffine. Morgane Tschiember s’est servie du poids de son corps pour marquer au fer rouge le texte sur chacun d’entre eux, créant, grâce à la pression, des marques ressemblant au tonnerre et aux fissures dans le sol. « Cela représente l’énergie qui cherche à sortir de la matière », indique-t-elle.
Avec cette exposition, l’idée est avant tout de « travailler des matériaux industriels et durs, comme le verre, le métal et les plastiques; de les pousser avec force pour essayer de leur conférer une certaine sensualité. Un état atteint juste avant la rupture du matériau », estime Grégory Lang, commissaire de l’exposition.
Originaire de Brest, Morgane Tschiember est diplômée des Beaux-arts de Paris et de l’École des hautes études en science sociale (EHESS), une double casquette qui explique l’aspect philosophique de ses compositions. Elle est également à l’origine d’une œuvre prochainement exposée au village des athlètes des JO de Paris 2024, représentant une partition de musique. Elle travaille aussi sur la mise en scène des deux prochains spectacles du chorégraphe français Olivier Dubois.
Morgane Tschiember, « I Poisoned Myself » à la galerie Richard Taittinger, 154 Ludlow St., jusqu’au 30 juin 2024. Site ici.