Le “revenge porn”, c’est cette pratique qui consiste à poster un “selfie sexy” d’un ex après une séparation, dans le but de l’humilier. Pour “aider les victimes de ce chantage”, Lionel Hagege a lancé Facepinpoint, une technologie de reconnaissance faciale.
Expatrié en Israël en 2015, le Français aux allures de Clark Kent a eu cette idée après avoir visionné un reportage sur une jeune fille qui s’était suicidée à cause de la diffusion sur le web d’un cliché d’elle. “Les gens jugent, pas moi. On a toujours fait des photos de nus, admet le père de famille qui a fondé l’agence de publicité Groupe Ness. J’ai voulu faire quelque chose.”
Il pense alors à un logiciel de reconnaissance faciale qui permet, tel un moteur de recherche, de scruter et trouver nos “sexy selfies” à partir d’un portrait. Pendant deux ans, ses équipes travaillent sur cette technologie. Les photos sont ensuite envoyées à ce dernier, via un système sécurisé. Si le client (qui doit payer 25 dollars par mois) valide que c’est lui, Facepinpoint envoie automatiquement une requête judiciaire pour que le cliché soit retiré des sites concernés, le “revenge porn” étant soumis à la loi DMCA (Digital Millennium Copyright Act) aux Etats-Unis. “On va être tellement méchant que ceux qui publient vont prendre peur”, assène Lionel Hagege, qui se voit en Superman pour les dix millions d’Américains victimes de “porn revenge”.
Basée à Beverly Hills, la société Facepinpoint – dans laquelle il a investi toutes ses économies, soit près de 500.000 dollars – a été officiellement lancée en octobre sur le continent américain. “En France, les gens ne croyaient pas en mon projet car je n’étais pas du milieu” justifie-t-il. Et c’est également une revanche, car je suis venu aux Etats-Unis à 18 ans, mais rentré fauché car je n’ai pas réussi à accéder au rêve américain.”
Il n’en est pas à son coup d’essai. L’entrepreneur français a auparavant créé Travel Money Box en 2009, des cabines installées dans les aéroports pour échanger les dernières pièces d’un voyage dans votre devise nationale. “Quelqu’un l’a commercialisé avant, regrette-t-il. J’ai les idées mais pour réussir, il faut avancer, s’investir complètement. C’est ce que je fais aujourd’hui.”
Il s’est alors acharné cet hiver à vulgariser sa technologie durant un road trip médiatique, enchainant les plateaux télévisés jusqu’au Texas pour clamer que le “revenge porn” est plus commun qu’on ne le pense. Pour cela, il aime montrer qu’on trouve des caméras cachées dans les objets du quotidien (bouteille d’eau, détecteur de fumée…).
Son objectif: séduire les investisseurs et lever 1 million de dollars afin de développer la reconnaissance faciale par vidéo, ainsi qu’un système de détection dans les cas extrêmes (manque de visibilité, mauvais angle de vue…). “Mais le sexe a un côté tabou, tout ce qui est atypique effraie les investisseurs”, assure celui qui s’inquiète de l’essor des “deepfakes” (des trucages video malveillants basés sur l’intelligence artificielle). “Nous sommes les premiers à faire ça, ça prend du temps. Mais, dans 5-10 ans, j’aimerais, comme Google, que le moteur de recherche de Facepinpoint couvre l’ensemble des sites internet.”
Afin d’aller plus loin dans cette démarche, Lionel Hagege a créé une communauté “pour le côté émotionnel”, rassemblant les victimes de cette dérive sociétale. Une manière de “libérer la parole” dans le sillage du mouvement #MeToo, mais aussi de les aider en mettant à leur disposition un forum avec une base de données sur les démarches à suivre, un accès aux services d’avocats et de psychologues (gratuitement ou presque). Pour elles, il veut également faire bouger les choses au Sénat, et réduire la longueur des démarches judiciaires.