L’innovation se niche partout. La 14e édition du French American Entrepreneurship Award (FAEA), mardi 6 juin au consulat général de France à New York, l’a une nouvelle fois démontré. Le prix des entrepreneurs a récompensé trois start-up très différentes, dans leur secteur comme dans leur business model : de la détection high tech des microbes dans la chaîne alimentaire au recyclage des appareils électroniques en passant par le soutien-gorge sur-mesure.
Le FAEA vise à aider des entrepreneurs français dans leur développement aux États-Unis en leur offrant une plus grande visibilité, un meilleur réseau, et une aide financière. Le comité, co-présidé par Sandrine Carpentier et Eric Draghi, avait changé les règles cette année : pas de perdants à la grande finale, mais trois gagnants – au lieu de deux lors des éditions précédentes – qui se disputaient les marches du podium. « C’était déjà difficile de choisir trois start-up sur la trentaine de candidatures retenues, toutes de qualité » , a reconnu Sandrine Carpentier. « C’était passionnant et émouvant », renchérissait Florence Klein, animatrice de la soirée et elle-même plongée dans l’entrepreneuriat (co-fondatrice et CEO de seemee.io) après plusieurs année à la télévision. « Je sais ce que c’est de pitcher devant d’éventuels investisseurs ».
Après 5 minutes de présentation de leur start-up, les entrepreneurs devaient répondre aux questions de deux panélistes et du public. Et c’est Hypercell Technologies qui a remporté la première place. La jeune entreprise a mis au point une machine permettant d’identifier très rapidement les microbes dans la chaîne alimentaire, « en moins d’une heure et avec le même niveau de précision qu’un PCR », a assuré son fondateur et PDG Bruno Jactel. Un test révolutionnaire, « fruit d’une série d’innovations – des dizaines de brevets – » qui supprime l’envoie des échantillons en laboratoire (ce qui prend du temps et coûte cher) et simplifie tout le process « sans pénaliser l’efficacité du test », assure son fondateur. Une technologie impressionnante qui doit encore recevoir la certification administrative de plusieurs organismes aux États-Unis, reconnaît Bruno Jactel, dont la FDA (Food and Drug Administration), un feu vert indispensable pour une mise sur le marché, à priori d’ici un an. « Hypercell a un vrai futur », estimait l’un des deux panélistes de la soirée, l’investisseur François Kress, qui n’a pourtant pas manqué de poser des questions critiques lors du pitch. Les clients sont d’ailleurs déjà prêts à acheter cette « boîte » qui tient dans la main, des usines américaines de traitement de la viande à Coca Cola.
Une autre technologie, mais mammaire cette fois, a reçu le deuxième prix : celle de Braave, basée à Los Angeles. C’est en découvrant à 17 ans, lors d’un voyage à Shangaï avec sa grand-mère, que les soutien-gorges y étaient identiques à ceux qu’elle trouvait dans sa ville natale de Nice que Claire Chabaud-Tropéan a décidé de transformer le secteur en proposant du sur-mesure. « Grâce à une technologie 3D, on peut changer le confort des femmes au quotidien ». Un simple scan mammaire par iPhone et Braave se charge de créer un soutien-gorge adapté à chaque poitrine, tout en promouvant le développement durable. « Notre technologie permet d’avoir la morphologie exacte, non pas des tailles mais des volumes des seins. Le corps des femmes change sans arrêt, à chaque cycle, à chaque maternité. Il suffit de refaire un scan ». Changer les habitudes d’un secteur, « c’est très difficile, reconnaît la jeune entrepreneure, mais il faut avoir la niaque ».
Enfin la troisième place est revenue à l’entreprise WALTER (Working and learning Together Electronics Recycling Inc.) co-fondée par Guillaume Charvon, le directeur d’ATD Quart Monde aux États-Unis, et Jonathan Torn. WALTER est une société qui aide les organisations et les particuliers de New York à se débarrasser de leurs produits électroniques usagés, un service facturé (70% des revenus de la start-up venant de 30% du volume d’objets récoltés) tout en embauchant des jeunes adultes en situation d’exclusion sociale dans le quartier ultra défavorisé de Bronxville. Sept résidents ont été embauchés, sans que soit demandé de diplôme ni leur casier judiciaire vérifié. « Ces jeunes ont peu d’opportunités, or ils ont une aspiration profonde à devenir des entrepreneurs comme chemin d’émancipation », expliquait Guillaume Charvon. « Une initiative que l’on compte bien, à terme, étendre à New York et répliqué à d’autres villes partout aux États-Unis » précisait quant à lui Jonathan Thorn. « Wow, c’est impressionnant, relevait le New-Yorkais du panel, David Pascual, partner à Studio Investments, car je sais combien c’est difficile de monter un tel projet. J’espère qu’il vont grossir. »
Des domaines très variés mais qui avaient un point commun : la passion. « Quand tu écoutes ces entrepreneurs qui racontent leurs histoires, leur passion et qui expliquent leur domaine que tu ne connais pas, j’adore ! C’est la diversité dans une de ses très bonnes dimensions » assurait d’ailleurs après la cérémonie l’ancien lauréat Guillaume Bouvard, co-fondateur d’Extend et aujourd’hui au comité du FAEA. « Le prix nous a beaucoup aidés en 2018. Donc aujourd’hui, c’est une façon pour moi d’aider », assure le dirigeant, aujourd’hui à la tête de 90 employés et d’une entreprise qui a réalisé 3 milliards de volume d’achats l’an dernier. Depuis, j’ai appris à être plus serein face aux très hauts et très bas propres aux petites boîtes. » Et d’assurer, dans un large sourire, comme un encouragement aux trois lauréats de la soirée : « Je dors beaucoup mieux. »