« One Hundred Trillion Dollars ». Il n’y a pas assez de place pour tous les zéros sur le billet émis par la banque centrale du Zimbabwe en janvier 2009. Et pourtant, un multi-milliardaire de dollars zimbabwéens n’allait pas loin puisque chaque billet représentait environ… cinq dollars américains!
Ce billet figure dans “Signs of Inflation”, une nouvelle exposition qui a ouvert le 30 mars dernier à la Réserve Fédérale de New York. Elle retrace 2000 ans d’histoire monétaire vus sous le prisme de l’inflation, avec des billets et des pièces à profusion. “La montée du prix de l’or depuis 2005 est un signe classique d’inflation, raconte Gilles Bransbourg, le conservateur de l’exposition. Le thème de l’inflation est revenu sur le devant de la scène avec la crise économique, c’est aujourd’hui dans le débat public“, ajoute ce Français passionné d’économie et d’histoire, chercheur associé à NYU et actuellement en détachement à l’American Numismatic Society (ANS).
Cette exposition temporaire siège au sein d’une collection permanente sur l’histoire de la monnaie. Ces deux expositions, présentées en parallèle, sont étonnamment complémentaires : “On a voulu montrer que l’inflation n’est pas du tout le propre des sociétés contemporaines“, ajoute Gilles Bransbourg, “c’est un phénomène qui intervient à partir du moment où un moyen de paiement devient trop abondant.” Quelque soit le moyen de paiement d’ailleurs.
Car les pièces ne sont qu’une forme de monnaie. Certaines sociétés asiatiques et aztèques utilisaient des haches en bronze, d’autres des barres d’or, des bracelets ou même des coquillages. “Sous l’Egypte des pharaons, on se servait même d’huile, de vin ou de grains“, rappelle le conservateur.
On apprend notamment qu’à partir du moment où la monnaie est apparue, les Etats ont entrepris une politique d’inflation à des degrés divers. Et cela se mesure très concrètement dans les toutes premières pièces que l’on peut voir exposées dans l’une des vitrines sur la Rome Impériale. Initialement en argent, l’alliage de ces pièces contient de plus en plus de bronze au fil des ans, un métal moins cher, faisant baisser la valeur de la monnaie.
Mais lorsque la monnaie romaine ne contient plus un gramme d’argent, la monnaie ne vaut plus rien. C’est la crise et l’Etat manque de s’écrouler. C’est alors qu’est inventée la monnaie marquée, où chaque pièce a une valeur numéraire inscrite sur sa surface. Les experts appellent ça “l’unité de compte“, qui signe le divorce entre la valeur intrinsèque de la monnaie (déterminée par son poids) et sa valeur faciale.
Le conservateur de l’exposition étant Français, on n’échappe pas à un segment sur l’histoire monétaire de la France et la “pire crise inflationniste qu’elle ait jamais connu” entre 1790 et 1796, période de la Révolution, puis à nouveau pendant les guerres mondiales et les années 60. Les plus nostalgiques d’entre nous verseront une larme à la vue du billet de 500 francs Pascal ou de la pièce d’un franc, ornée de la célèbre semeuse, symbole du nouveau franc en 1960.
Rien que le lieu de l’exposition vaut le détour. La réserve fédérale de New York est en plein Financial District, un large bâtiment du début du XXe siècle éclipsé par les gratte-ciel alentours.
Infos pratiques:
“Signs of Inflation” – Federal Reserve of New York – 33 Liberty Street, New York – La visite de l’expo – et de la banque – est gratuite. Attention: pour des raisons de sécurité, il faut réserver en ligne ici (bas de page, onglet “Museum Visit”).