Quel chorégraphe oserait se lancer dans une adaptation de l’Apocalypse de Saint Jean ? L’idée ressemble plutôt à un projet d’Hollywood. Mais Angelin Preljocaj n’a peur de rien !
Le chorégraphe français présente Suivront mille ans de calme (And then one thousand of peace en anglais) à la Brooklyn Academy of Music du 7 au 9 novembre. Le patron du Ballet Preljocaj (basé au centre chorégraphique national d’Aix en Provence et composé de 26 membres) a déjà créé plus de 45 œuvres provocatrices depuis le fondement de sa compagnie en 1984, tout en étant également à l’initiative de certaines créations pour le New York City Ballet ou le Staatsoper de Berlin.
Bien que beaucoup de ses spectacles ne soient pas associés à une œuvre particulière, Angelin Preljocaj rompt avec tous les codes précédemment établis lorsqu’il choisit de faire une adaptation. Il a par exemple transposé Roméo et Juliette dans un contexte de guerre froide et dans un État totalitaire, il a également utilisé des rayons X dans Casanova et ré-imaginé la belle-mère dans Blanche Neige, une belle-mère dominatrice vêtue d’un corset, de bottes et de jarretelles. L’Apocalypse de Saint Jean colle donc parfaitement à ses habitudes d’adaptations aussi terrifiantes qu’innovantes sur scène.
«Cette pièce est une mise en scène des émotions que l’on peut ressentir à la lecture de l’Apocalypse de Saint Jean» explique le chorégraphe de 56 ans à French Morning. «Ce n’est pas une illustration du Nouveau Testament et, plus important encore, ce spectacle ne représente pas la fin du monde. Je ne veux pas décrire tout ce qui se passe dans l’Apocalypse de Saint Jean. Il s’agit plus de l’impression que j’ai pu avoir à la lecture de l’œuvre que de la réalité de celle-ci. C’est ce que j’ai essayé de faire passer sur scène. C’est un peu comme les peintres impressionnistes : ils ne peignent pas un paysage mais l’impression qu’ils ont de celui-ci».
Le spectacle propose une mise en scène saisissante de l’artiste Subodh Gupta, sur un fond de musique électro composée par DJ Laurent Garnier qui utilise également avec des échantillons de Beethoven ! « Preljocaj est un chorégraphe intelligent » écrit Judith Mackrell dans The Guardian lors de la première à Londres en 2012 « Il arrive superbement à extraire le côté brut de ses danseurs et à les désinhiber. Il est aussi excellent pour mettre en perspective à la fois les images de luxure et de colère qu’il crée. Il les rend complètement étranges ».
Ce spectacle est né de la collaboration de Preljocaj avec le Bolchoï en 2010. Initialement le chorégraphe devait choisir un spectacle de son répertoire mais c’est en rencontrant les danseurs que Preljocaj a changé d’avis. Il s’est dès lors lancé dans la création d’une nouvelle pièce destinée à la fois aux danseurs du Bolchoï et aux membres de sa troupe. Il a relu l’Apocalypse de Jean. Une décision fortuite. « Je me suis dit wow ! » explique t-il. « C’est un très bon choix, il y a beaucoup de métaphores, beaucoup d’images, c’est très puissant.
Originaire de Paris et né de parents albanais, Angelin Preljocaj a d’abord étudié la danse classique avant de se tourner vers la danse contemporaine. Il a par ailleurs suivi les cours de Merce Conningham et d’autres grands noms de la danse. Ses chorégraphies résultent donc d’une combinaison de différentes influences associées à sa passion dévorante, à sa sensualité et à sa philosophie. « Pour moi » dit-il « ce qui est important, c’est de réfléchir au temps présent et à la société dans laquelle nous vivons ».