Entre le luxe et la gastronomie, les produits français ne manquent pas aux États-Unis. Mais où sont nos voitures ?
Dans le marché automobile américain, les constructeurs japonais, allemands, coréens, italiens profitent tous de l’appétit des consommateurs américains pour les S.U.V et autres « Pick up », pourvoyeurs de marges juteuses. Le seul français ayant une présence aux Etats-Unis est Renault, avec sa participation majoritaire dans Nissan. D’autres voitures « made in France » sont vendues chez l’Oncle Sam, mais elles sont issues de marques étrangères comme la lilliputienne Smart (appartenant à Mercedes- Benz) ou encore la Toyota Yaris produite à Valenciennes. Pourquoi cette absence?
PSA et Renault ne sont pas étrangers au marché américain. Dès les années 60, les “Big Three” français tentent l’aventure américaine mais celle-ci se solde par un échec cuisant. À l’époque, seul l’Allemand Volkswagen parvient à écouler ses Beetles aux hippies californiens, défiant les Chevrolet et autre Ford. Victime de la crise pétrolière de 1973, Citroën est le premier à faire ses valises faute de moyens. Finies donc les DS (on en retrouve une dans la série « The Mentalist » aujourd’hui).
En 1979, la Régie Nationale Renault rachète AMC et a de grandes ambitions, notamment pour son produit prometteur la « Jeep Cherokee ». Nouveaux moteurs, usines ultra modernes : le rêve américain coûte cher à la régie et, à part Jeep, les ventes sont décevantes. L’assassinat du PDG de Renault Georges Besse par Action Directe en 1986 donne le coup de grâce aux ambitions du Français. Sous la pression de l’Etat, son successeur Raymond Lévi décide de solder l’activité américaine en la revendant pour 1,5 milliard de dollars à Chrysler, qui fera une très bonne affaire. Ironie de l’histoire, Jeep est aujourd’hui l’une des marques les plus rentables de Chrysler ! Peugeot fut la dernière à quitter le marché américain en 1991, victime de la concurrence japonaise et d’une demande trop faible (le constructeur vendait 4.000 voitures par an selon le site French Cars in the USA).
Pour Howie Seligman, président du Greater New York Citroen & Velosolex Touring Club, ces accidents de parcours s’expliquent par un problème règlementaire. “Les normes étaient différentes à l’époque entre les États-Unis et l’Union Européenne, et pour réduire les émissions de CO2, ils modifiaient le taux de compression du moteur, ce qui change les caractéristiques et rend la voiture fragile“. Mais aussi par un problème d’adaptation des produits proposés. “A cause des produits chimiques utilisés aux Etats-Unis pour déneiger les routes, différents du sel que l’on utilise en Europe, les voitures françaises se trouvaient rouillées en hiver“. Les Etats-Unis sont un terrain… glissant.
Bruce Belzowski, analyste automobile et chercheur à l’Université du Michigan, ajoute que “la taille des États-Unis pénalise les Français en raison d’un petit réseau de concessionnaires ». Ajoutez à cela un problème d’approvisionnement en pièces détachées et un coût d’entretien élevé, et l’on comprend pourquoi la Kangoo par exemple ne roule pas sur les highways.
Un retour aux Etats-Unis est souvent évoqué pour PSA. Mais le groupe de Sochaux préfère se concentrer sur la Chine, car, comme le fait remarquer Bruce Belzowski, « pour revenir il faut un réseau de distributeurs qui coûte des milliards ». Et le consommateur américain reste friand de S.U.V, une gamme délaissée par les constructeurs français. En 2012, General Motors a pris 7% du capital de PSA, mais seul un « rebadging » (relancement de produit avec un nouveau nom et logo) d’utilitaires est prévu aux Etats-Unis. Bref, pas de 308 pour croiser le fer avec une Cruze ou une Corrola ! Seul Renault semble en position de percer aux Etats-Unis car son alliance avec Nissan lui permet de disposer d’un réseau étendu d’usines et de concessionnaires en Amérique. La route est longue.
Crédit Photo: Gabriel Orozco, La DS, 1993. Modified Citroën DS. Marian Goodman Gallery, New York