Le rideau est tombé, il y a déjà plus de dix mois : la pandémie de Covid a mis tous les projets de mise en scène en suspens, forçant acteurs et directeurs de troupes à un chômage à durée indéterminée. “Un vrai coup de massue“, résume Frédéric Patto, fondateur et directeur artistique du Théâtre du Lycée français. “En avril, nous devions accueillir sur scène la pièce aux quatre Molière “La Machine de Turing, mais nous avons dû rapidement nous résoudre à annuler la fin de la saison.” Grégory Galin, acteur que le public san franciscain avait pu applaudir sur les planches du Théâtre du Lycée français lors de son one-man show ou dans les pièces de la troupe D-Boussole, s’apprêtait à reprendre le rôle de Jack Nicholson dans “Vol au dessus d’un nid de coucou” lorsque le confinement a commencé. Emmanuelle Lambert, actrice de la Compagnie Carmina, se remémore avec une pointe de nostalgie, la dernière pièce qu’elle a pu jouer: “Nous avons eu la chance de pouvoir interpréter “La Peur” de Stefan Zweig à San Francisco en février, juste avant le confinement. Tous les projets que nous devions monter ensuite ont été arrêtés.”
Préparer mentalement son prochain spectacle
Face à cet arrêt forcé, les artistes et metteurs en scène ne manquent pas de créativité pour aller de l’avant. “Il faut donner un sens a cette période folle en espérant que les expériences que l’on vivra permettront d’enrichir notre jeu dans le futur“, constate Emmanuelle Lambert, qui a choisi de quitter San Francisco pour passer un an à Rome. “C’est d’une certaine façon ce que vivent tous les acteurs entre deux projets, mais bien entendu notre travail permanent d’observation de la condition humaine est affecté par les contacts réduits et les masques qui dissimulent les expressions de tout un chacun.”
Grégory Galin met à profit cette période suspendue pour travailler son prochain spectacle solo : “Je suis extrêmement frustré, alors je me venge en écrivant, et cela m’aide beaucoup. Je ne vais pas refaire un spectacle de sketches, mais plutôt écrire une sorte de journal intime, une autofiction dans laquelle je peux jouer ma vie, en mieux ou en pire…”
S’adapter à des formats différents
David Valayre, directeur artistique de la troupe GenerationTheatre, a décidé d’adapter son travail de mise en scène pour rendre ses pièces compatibles avec un visionnage sur un ordinateur : “C’est intéressant de s’adapter à un nouveau medium comme Zoom. Nous préparons une série de quatre pièces en un acte, chacune avec deux personnages. On essaie de recréer l’impression d’espace commun, en prétendant se passer un objet par exemple, alors que les acteurs ne sont pas au même endroit.” La trentaine d’acteurs de la troupe n’a pas hésité à se lancer ce nouveau défi: “Ils sont très enthousiastes de reprendre les répétitions, qui nous ont tous aidé à surmonter le traumatisme du confinement et de l’impossibilité d’être sur scène.”
Le Théâtre du Lycée français, transformé pour le moment en salle de classe, s’est tourné vers le cinéma pour offrir une parenthèse culturelle française à ses fidèles : “En collaboration avec Distribfilm US, nous avons lancé le TLF à la maison : chaque mois, de novembre à avril, nous diffusons un film en français qui n’est pas disponible sur d’autres plateformes. La location revient à 10 dollars par film, dont 4.25 dollars qui reviennent directement eu TLF pour continuer à faire vivre ce lieu“, explique Frédéric Patto. Le directeur du TLF s’est également lancé dans la production d’une pièce radiophonique, pour l’instant mise en suspens en raison de la recrudescence de cas de COVID. La préparation de la saison 2022 est aussi à l’ordre du jour: “C’est évidemment plus difficile de sélectionner les pièces sans pouvoir aller à Avignon pour les voir, mais je ne recule devant aucun challenge : l’année qui vient de s’achever nous a prouvé que pour avancer, il faut pouvoir se réinventer…“