Robert Capa a documenté certains des plus grands évènements politiques du XXe siècle en Europe de l’Ouest. Mais peu d’initiés savent qu’il a également réalisé des photos en couleur. L’exposition “Capa in Color”, visible jusqu’au 4 mai à l’ICP, nous le rappelle.
« Après sa mort, toutes les expositions et projets posthumes ont vraiment exclu le travail de la couleur qu’il a effectué pendant une bonne partie de sa carrière» souligne Cynthia Young, commissaire de l’exposition. Une bonne partie des pellicules, très fragiles, avait terni et était inutilisable avant que la technologie digitale ne permette de les restaurer. Par ailleurs « il y avait aussi cette idée, dans les années 60 et 70, qu’un vrai journaliste photo ne travaillait pas en couleur ».
Et pourtant, Capa a tout de suite été emballé par la couleur lorsque les premières bobines sont apparues. « Envoyez-moi immédiatement 12 rouleaux de Kodakrome avec toutes les instructions », demande-t-il en 1938 à son agence alors qu’il est en train de couvrir la guerre sino-japonaise. « Seulement quatre photos de Chine ont survécu, mais l’enthousiasme de Capa pour la couleur est resté », commente Cynthia Young.
Par la suite, «l’utilisation de la couleur coïncide avec une période où Capa s’est réinventé en tant que photoreporter, après la guerre d’Espagne et la Seconde guerre mondiale » explique Cynthia Young. A ce moment-là, la couleur est privilégiée par les magazines (Holiday, Illustrated, Collier’s etc.) pour des sujets plus légers. Capa nous emmène notamment à Paris, Biarritz et Dauville, Rome, au ski dans les Alpes et en Norvège pour des reportages de voyages.
« Avec la couleur, il pouvait beaucoup mieux illustrer la gaieté de ce qu’il voulait raconter, il y avait plus d’humour» observe Cynthia Young. On découvre aussi des photos de tournages de films avec des stars de cinéma comme Ingrid Bergman, Humphrey Bogart, John Huston, Ava Gardner ou Anna Magnani, et les tirages en couleur du fameux reportage sur Picasso dans le Sud de la France. Ces photos plus intimes que “glamour” laissent transparaitre la relation amicale que Bob Capa entretenait avec un certain nombre de ces artistes.
Pendant la Seconde guerre mondiale, alors que les magazines utilisaient peu la couleur (plus chère, plus longue et compliquée à développer) « il persistait à l’utiliser et même encourageait les autres photographes à l’utiliser ». Ces photos sont d’une modernité saisissante pour l’époque. Après la guerre et « pendant le reste de sa vie, il emportait presque toujours au moins deux appareils: un pour le noir et blanc et un pour la couleur. Il n’a jamais privilégié l’un par rapport à l’autre».