« Le marché américain est notre top priorité, nous avons une croissance à trois chiffres et il y a encore de grandes marges de progression ». Ces mots enthousiastes viennent du fondateur de la dernière licorne tech française, Backmarket, et en disent longs sur l’enthousiasme des entreprises françaises pour les États-Unis. Que ce soit côté tech ou encore dans l’industrie, les fleurons français de leur secteur ont les yeux braqués de l’autre côté de l’Atlantique, où le rebond économique est plus flamboyant que jamais.
Et pour cause. En pleine pandémie, le Congrès américain a fait passer deux plans de relance – une première enveloppe de 1.900 milliards de dollars votée en urgence en mars 2020, puis 900 milliards en décembre dernier -, qui se sont ajoutés aux liquidités historiques fournies par la banque centrale américaine. Ces deux programmes devraient bientôt être suivis d’un troisième qui se voulait tout aussi ambitieux, le fameux plan d’infrastructure de la nouvelle administration Biden. Le Président fraîchement élu a annoncé un projet de loi d’une ampleur inédite, soit 2.300 milliards de dollars, pour rénover les infrastructures de base du pays (ponts, rails, autoroutes etc), mais aussi les réseaux d’eau et d’électricité, les équipements télécoms ou encore les écoles et systèmes de soins. Certes, le locataire de la Maison Blanche a depuis rencontré l’opposition farouche des républicains, et est en train de revoir ses ambitions à la baisse. Les discussions portent aujourd’hui plutôt sur une enveloppe proche de 1.000 milliards de dollars.
Mais cela suffirait à tirer la croissance du pays de 0,35 point par an, selon les projections de BNP Paribas. La banque française attend une croissance américaine à 6,9 % cette année, et 4,7 % l’an prochain. « La reprise américaine est spectaculaire et assez industrielle à ce stade. Par ailleurs, l’épargne des ménages représente le double d’une année normale grâce aux chèques fédéraux, et les Américains rattrapent les achats qu’ils n’ont pas faits en 2020 », selon Jean-Luc Proutat, économiste US chez BNP Paribas.
Positivisme américain
Pour les entreprises françaises présentes sur place, la reprise de l’activité est intrinsèquement liée à la sortie de la pandémie. « La croissance de nos clients a été assez corrélée à la levée des restrictions sanitaires. Le positivisme américain est assez frappant par rapport à la France, ils ont beaucoup d’appétit pour tester des services innovants », raconte Eric Lauer, fondateur d’Arturin, qui propose des services d’optimisation de la présence en ligne.
Contrairement à la France, les Américains ne sont pas revenus à des rendez-vous en présentiel depuis un an. « Tout se fait encore à distance, mais cela ne nous a pas empêché de signer des contrats. Nous observons une belle dynamique depuis quelques mois, nous faisons de plus en plus de chiffrages », indique Jean-Christophe Ragni, directeur général du groupe Ragni, spécialiste de l’éclairage public. Le dirigeant compte sur le plan Biden pour raccourcir les temps de gestation des projets, et accélérer sa croissance américaine.
De l’avis des entrepreneurs français, les Américains sont redevenus aussi ambitieux qu’avant la crise, signe que le marché américain rebondit bien plus rapidement qu’en Europe. La French Tech en a également bien profité, qui multiplie les levées de fonds record auprès de fonds de venture américains pour accélérer dans le pays. Contentsquare en est la meilleure preuve, qui vient de collecter 500 millions de dollars, soit la plus grosse levée de fonds d’une startup tech française de l’histoire, et est dirigée par Jonathan Cherki depuis New York. Enfin, les jeunes pousses peuvent aussi avoir une IPO sur le prestigieux marché américain en ligne de mire. Cela a par exemple été le cas de la biotech dijonnaise Inventiva, qui après être entrée sur Euronext en 2017, s’est cotée au Nasdaq l’an dernier pour avoir accès à ce large pool d’investisseurs.
Si la capacité américaine à rebondir en sortie de crise n’est plus à présenter, elle se vérifie aujourd’hui dans les chiffres. « Les États-Unis sont un des seuls pays avancés à avoir récupéré le niveau de croissance de fin 2019, alors que l’Europe a encore 5 points de PIB à rattraper », ajoute Jean-Luc Proutat. Seul inconvénient majeur pour les entreprises françaises qui veulent s’exporter ou même tester le marché US : les restrictions de voyage entre Europe et États-Unis, qui empêchent tout Français non résident permanent américain de rentrer sur le territoire. En attendant, bien des projets d’expansion américaine restent entravés, mais ce n’est qu’une question de temps. Cette levée tant attendue finira bien par venir.