Comme des millions de personnes, j’ai profité des Fêtes pour aller voir “Les Misérables”, le film adapté de la comédie musicale à succès.
J’étais plutôt bien disposé. N’ayant pas vu le “musical”, je n’avais aucune exigence. Collégien, j’avais lu (une partie) du chef d’œuvre de Victor Hugo. Le casting du film avait de quoi faire saliver: Hugh Jackman dans le rôle de Jean Valjean, Russel Crowe en Javert et la sublissime Anne Hathaway en Fantine, mère de Cosette (Amanda Seyfried). L’histoire est puissante, universelle et atemporelle. Petit rappel: Jean Valjean, un ex-bagnard en quête de rédemption sauve une jeune orpheline, Cosette, du destin misérable qui lui est promis. Valjean est poursuivi sans relâche par l’inspecteur de police Javert, qui veut le remettre en prison pour avoir rompu sa liberté conditionnelle il y a des années de cela. Valjean et Cosette vivent dans la fuite et l’anonymat, sur fond de société au bord de la révolution, jusqu’au jour où la belle rencontre Marius, un jeune révolutionnaire.
“Mais qu’ils arrêtent de chanter!”
Bien disposé donc. Mais cela n’a duré que dix minutes. Car cette histoire, le réalisateur Tom Hooper la transforme en soupe tiédasse. Pendant tout le film, on a envie de dire aux personnages… d’arrêter de chanter. Les chansons ne sont pas en cause. Elles sont belles pour la plupart, mais leur omniprésence est pesante: les acteurs chantent tout – TOUT – le temps. Et mal pour certains. Les bonnes performances vocales de Hugh Jackman (qui s’est produit sur Broadway) et d’Anne Hathaway ne compensent pas le reste. Russel Crowe, qui n’articule déjà pas en temps normal, ne convaincrait même pas ses enfants. Comment prendre au sérieux un inspecteur de police à la voix de crooner? Malheureusement, c’est par l’une de ses chansons que s’ouvre le film. Pas sympa!
Le film, qui fait 2h30 – et on les sent passer – pourrait libérer les spectateurs quelques minutes plus tôt si certaines chansons d’Eponine, l’amoureuse de Marius, et de Marius lui-même, l’amoureux de Cosette, ne trainaient pas en longueur. Remarquez: si les chansons étaient servies par des interprétations magistrales (comme celle d’Anne Hathaway pour “I dreamed alone”, qui marque la descente aux enfers de son personnage), peut-être le temps passerait-il plus rapidement.
Il y a aussi beaucoup à redire sur la performance des acteurs. Helena Bonham Carter et Sacha Baron Cohen, cautions comiques des « Miz » dans le rôle des diaboliques Thénardier, se sont trompés de film: ils sont les copies conformes de leurs personnages dans “Sweeney Todd”, le film de Tim Burton lui aussi adapté d’une comédie musicale. Ils peinent donc à s’effacer devant leur personnage. Passons également sur le maquillage et l’épilation des sourcils d’Eponine. On lui aurait mis un i-Pod entre les mains, cela n’aurait pas choqué. Enfin, Hooper nous achève avec son parti-pris assumé de faire du gros-plan à tout va. Le spectateur a l’impression d’être coincé dans une petite pièce avec les acteurs.
Vive le playback
Tom Hooper était conscient de la difficulté de l’exercice. Adapter au cinéma un « hit musical » vieux de plus de trente ans n’est pas mince affaire. Il l’a dit lui-même dans une interview au Christian Science Monitor: « J’étais conscient que des millions de personnes portent les Misérables près de leur cœur et seraient probablement assis, complètement effrayés, au cinéma ». Il ne s’est pas facilité la tâche en demandant à des acteurs pour la plupart novices en chant de pousser la chansonnette « en direct », au lieu de recourir au traditionnel playback, comme ce fut le cas pour d’autres comédies musicales adaptées au grand écran.
On aurait préféré que Hooper prenne le parti plus audacieux d’adapter au grand écran le livre d’Hugo plutôt que la comédie musicale, un style qui se nourrit nécessairement de personnages caricaturaux et d’une histoire simplifiée et édulcorée. Eut-il choisi d’en faire un film “traditionnel”, Hooper, auquel on doit le magistral “The King’s Speech”, aurait sans doute produit des personnages plus denses et complexes, des dialogues travaillés et exigeants. Malheureusement, en choisissant une forme de facilité, il tombe dans un entre-deux faiblard.
Qu’il se rassure, le film sera un succès. Il a réalisé près de 40 millions de dollars au box-office dans les trois premiers jours après sa sortie. Les critiques voient dans Jean Valjean un modèle de reconversion pour les ex-détenus, et le réalisateur répète à l’envi que le film fait écho à notre époque tourmentée pour faire croire qu’il n’est pas qu’une simple bête de box-office. Il n’est pas autre chose.
0 Responses
Je ne partage absolument pas l’avis de votre critique tel qu’exprimé dans le titre de l’article. J’ai vu la pièce 4 fois à Broadway, avec des interprètes sublimes… j’ai malgré tout trouvé que le parti pris de filmer “quelque chose” qui n’était ni du cinéma, ni du théâtre filmé, apportait à ce film une puissance et une présence hors du commun. Hugh Jackman est impressionnant de vérité et, même s’il est nettement meilleur dans les graves que dans les aigus, ses interprétations n’ont pas grand chose à envier à celles des pros du “on Broadway” ; Russel Crowe n’a certes pas les qualités vocales des autres, mais la puissance de son jeu compense largement cette carence ; quant à Anne Hattaway, je n’ai pas encore trouvé de qualificatifs assez élogieux pour elle : sublime, divine… ces airs, enchaînés en direct et sans coupures, permettent aux comédiens — et à Anne Hattaway en particulier — de donner tout ce qu’ils ont dans le ventre… si je peux me permettre une expression aussi triviale, mais qui ne jure pas dans le monde des “Misérables”. Un point d’accord total : l’interpétration minable des Thénardier !
Rien n’est parfait, il aurait fallu inviter un public restreint de journalistes de tout bord ( quelques jours avant la projection) afin d’avoir plusieurs avis et apporter des rectifications en enlevant les longueurs et les chansons passant mal. Le travail de finition, apparemment, a été bâclé .Dommage car cela aurait pu être envoutant si la distribution avait été faite plus rigoureusement. Gageons que la prochaine fois ils seront plus “professionnel”.
Votre critique est sévère et approximative dans son jugement car vous semblez vous tromper de cible comme vous l’avouez: “On aurait préféré que Hooper prenne le parti plus audacieux d’adapter au grand écran le livre d’Hugo plutôt que la comédie musicale”. Je suis cinéphile et amatrice de comédies musicales et je me suis déplacée pour voir une adaptation d’une comédie musicale de Brodway, et pas une n-ième adaptation du roman. C’est pour ça que ÇA CHANTE BEAUCOUP et ça n’a pas été une surprise pour les avertis. On se trouve devant un genre à mi-chemin entre le cinéma grand-public et une pièce musicale à l’écran, ce qui constitue un défi en soi et expose le film aux critiques telles que la vôtre. La voix de R.Crowe n’est pas parfaite mais l’ensemble de son jeu d’acteur et sa prestation sont à la hauteur du personnage, on redécouvre l’acteur dans ce genre et j’avoue que j’ai été assez surprise. Je pense que le réalisateur n’a pas fait un si mauvais choix avec lui. Par contre, je vous rejoins totalement pour le choix du couple Thénardier, même si je comprends que le but a été davantage d’apporter un peu d’humour dans l’océan de tristesse et de tensions en toile de fond du film. Je pense qu’ils ont pris trop de liberté dans l’interprétation de leurs rôles, mais encore une fois il s’agit d’un choix qui se rapproche plus de la pièce de Brodway que du roman original.
Je ne peux qu’adhérer à votre avis. Le film est d’une laideur à faire peur. La mise en scène est lourdingue (gros plans grotesques, et steady cam censée donner du rythme), les décors carton-pâte et les effets visuels, mon dieu!! Le message est un peu prêchi-prêcha : un comble alors que l’on parle de révolution républicaine!! Pas sûr que le certes croyant Victor Hugo aurait aimé ça.. Russell Crowe, qui préfère le rock semble-t-il (il est le chanteur d’un groupe australien), campe un Javert fantomatique dont on ne comprend pas les motivations. Heureusement que Hugh Jackman y met du coeur (mais je l’aime d’amour depuis que je l’ai vu sur scène Broadway en compagnie de Daniel Craig donc je ne suis pas très objective). Anne Hathaway donne le seul véritable moment d’émotion du film quand elle chante le fameux I dreamed a dream. heu, c’est peu en 2h30 de film, durée pendant laquelle on s’ennuie ferme.