L’année 2024 aura été moribonde pour les salles obscures à Los Angeles. Si Quentin Tarantino a su ressusciter le Vista Theater à Los Feliz, de nombreuses salles historiques – le Highland Theatre à Highland Park, le Regency Village Theatre ou le Bruin dans le West Side – ont dû fermer leurs portes. Pourtant, d’autres salles et cinéma-clubs connaissent aujourd’hui une nouvelle attention. Des lieux plus intimes, ouverts à la diffusion d’œuvres politiques et artistiques, de films indépendants proposés en 16 ou 35 mm, objets de censures ou sortis de vieux tiroirs.
Inspiré par les cinéma-clubs nés en France dans les années 20 – sous l’impulsion du réalisateur et critique Louis Delluc -, Quentin Tarantino a inauguré l’an dernier son Video Archives Cinema Club. Une salle de 20 places seulement et une sélection de films choisis en format VHS et 16 mm issus de sa collection privée, allant d’un bon « Dr Jekyll and Mr Hyde » au « Dracula » de 1931, en passant par « Reservoir Dogs » ou « Westworld » avec Yul Brynner en tête d’affiche.
Dans le quartier d’Echo Park, planquée derrière les VHS du magasin Whammy! Analog Media, une micro salle de cinéma aligne une vingtaine de chaises et un grand écran où voir des films en VHS ou 16 mm, la plupart réalisés par quelques cinéastes indépendants ou fanatiques du cinéma expérimental. Des courts ou longs métrages parfois jamais montrés, objets de censure, de conflits juridiques ou tout simplement manquant d’intérêt. La maison propose également un service de numérisation des pellicules tournées en VHS.
Dans un autre genre, le Vidiots Cinema Club a ouvert ses portes en 2023 en lieu et place de l’ancien Eagle Rock Theatre. Lancée au milieu des années 1980 à Santa Monica, la Vidiots Foundation dispose désormais dans le quartier d’Eagle Rock d’un vidéo-club compilant plus de 60.000 VHS et Blu-rays, d’une seule salle de cinéma où alternent projections digitales et en 35mm et d’un micro-cinéma Mubi Microcinema de 35 places, projetant au format digital (ou DCP). Au programme dernièrement, le dessin animé « Flow », la comédie « Extremely Unique Dynamic » ou le film-docu « Soundrack to a Coup d’État ».
À Hollywood, les fanas de films en Super 8 – un format lancé en 1965 par Kodak, et largement utilisé par les cinéastes amateurs -, se pressent au Soho Cinema Club. Ouverte en août dernier par Miles Flanagan, aussi à l’origine du festival Horrorfest, cette salle d’une trentaine de places organise des projections de deux heures, généralement entrecoupées d’entractes avec tours de magie et performances. Dans sa sélection : des sous-genres de films d’épouvante, les films culte de Peter Sellers, le meilleur de Benny Hill…
Ouvert à Chinatown en 2018, le Now Instant Image Hall fait lui office de cinéma, de bar et de librairie. Couverte de velours vert, la salle de cinéma aux 40 sièges projette principalement des films d’art et d’essai, du cinéma expérimental, des documentaires, des avant-premières de cinéastes venus du monde entier via des formats 16 mm, numériques ou VHS. L’établissement invite réalisateurs et acteurs pour conférences, conversations et Q&A, et des événements littéraires avec sorties de livres et marché du livre d’art ont lieu toute l’année.
Plus nombreux en sièges (163 au total) le Brain Dead Studios a été inauguré en 2020 dans le quartier de Fairfax, remplaçant le Old Times Movies de 1942, réservé aux films muets. Déjà à la tête de la marque de mode workwear Dead Brain et d’autres cinémas à Tokyo et Milan, son fondateur, Kyle Ng, consacre à Los Angeles le film de répertoire autour d’une programmation allant des documentaires sur le skateboard, aux films des années 1970 et 1980 (« Orange Mécanique », « Christine », « Paris », « Texas ») et films censurés dont « La dernière tentation du Christ » de Martin Scorsese. L’endroit compte également un patio avec café et une boutique de mode à l’étage.
Enfin, la Philosophical Research Society de Los Feliz, fondée en 1934, peu connue des Angelenos, est l’antre de l’astrologue et écrivain Manly P.Hall (1901-1990), et de sa riche collection de 30.000 livres. Outre la bibliothèque historique et la librairie, les séances de sound bath et de lectures, s’y déroulent ici au sein d’un auditorium de 196 places des projections de films rares. Du cinéma d’épouvante, avec dernièrement, le film mexicain « Even the wind is afraid » de 1968, des court-métrages méconnus dont ceux du philosophe des années 1970 Alan Watts ou des films d’art martiaux, à l’instar du « Sister Street Fighter », spin-off du film « The Street Fighter ».