Les dîners de gala ne sont propices ni à l’émotion ni au recueillement. Pourtant, samedi soir au Consulat de France à New York, la réalisatrice Agnès Varda a réussi ce tour de force. Un silence lourd s’est imposé à la centaine de convives de cet évènement organisé par l’American Jewish Committee en vue de lever des fonds pour organiser cet hommage aux Justes de France à travers les Etats-Unis, à la fin de la projection. Pour l’occasion, la réalisatrice avait réalisé un condensé de l’œuvre créée pour le Panthéon, un court film de fiction, son parole ni commentaire, retraçant les actes héroïques de ces « hommes et femmes ordinaires » qui, pendant la seconde guerre mondiale, ont caché et sauvé des juifs.
Washington d’abord
Au Panthéon, l’exposition était composée de dizaines de photos de ces Justes, ou d’anonymes les représentants, entourées de quatre grands écrans où était projeté le film d’Agnès Varda, dans deux versions se répondant, l’une en noir et blanc, l’autre en couleur. Samedi, l’énergique réalisatrice a tenté, a-t-elle dit, de donner « une vague idée » de l’exposition réelle, sans la solennité du Panthéon ni la mise en scène produites par les 4 grands écrans. Mais le public américain devrait bientôt pouvoir lui aussi se recueillir devant l’œuvre originale. Le ministre français de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, qui avait commandé le film à Agnès Varda pour la cérémonie du Panthéon, a confié à French Morning que « l’exposition devrait pouvoir être organisée à Washington avant la fin de l’année », avant de tourner dans le reste du pays ensuite, et sans doute très rapidement à New York.
Le ministère de la Culture français s’est associé avec l’American Jewish Committee, qui va lever des fonds, pour organiser cette tournée. David Harris, le directeur exécutif de l’AJC, avait assisté en janvier à la cérémonie du Panthéon. C’est lui qui a souhaité que l’exposition traverse l’Atlantique : « nous voulons que le public américain la voit, car elle porte un message très puissant, avec à la fois un sens historique et des implications contemporaines. Les gens doivent savoir que le monde n’est pas seulement habité par le Mal, mais aussi par l’humanité et le Bien. Les Justes procurent 3000 exemples de courage, dont nous avons le plus grand besoin. »
Faut-il, dans le choix de Washington comme destination première voir un projet politique de la France ? Une manière de combattre l’idée répandue chez les élus américains que la France a été (est encore ?) uniformément et indivisiblement anti-sémite? « L’exposition permettra de présenter une image juste et complète de notre pays, admet Renaud Donnedieu de Vabres. C’est-à-dire un pays où, pendant la Seconde Guerre Mondiale, il y a eu l’horreur, mais aussi l’honneur ». Pour autant, le gouvernement français, « propriétaire » de l’exposition, puisqu’elle celle-ci est une commande du ministère de la Culture à Agnès Varda, prend bien garde de ne pas paraître faire de la propagande, critique qui rendrait la tournée américaine contre-productive. L’association avec la communauté juive, via l’AJC, permet de désamorcer ces critiques, en insistant avant tout sur la démarche pédagogique du projet.