Clément Delangue, co-fondateur et CEO de Hugging Face, le reconnaît avec un sourire : en pleine crise Covid, sa décision de quitter New York pour partir vivre quelques mois à Fort Lauderdale en Floride, pour avoir une meilleure qualité de vie, pourrait l’avoir aidé dans sa levée de fonds. « Plusieurs VCs n’ont pas hésité à prendre l’avion pour venir nous voir en roadshow, et peut-être profiter du soleil de Floride pendant l’hiver ».
Hugging Face, une start-up qui compte révolutionner le machine learning en fournissant des technologies de traitement du langage naturel (NLP) en mode open source, vient d’annoncer une levée de fonds de série B de 40 millions de dollars. Elle a été menée par Lee Fixel (un investisseur de renom qui a déjà investi dans Stripe, Spotify et Peloton) et son fonds Addition, ainsi que ses investisseurs historiques Lux Capital, A.Capital & Betaworks. Mais aussi des entrepreneurs français en vue comme Olivier Pomel, co-fondateur et CEO de Datadog, Florian Douetteau, CEO de Dataiku ou encore Thibault Elzière d’Upflow et eFounders. Un tour de table qui s’est bouclé en un temps record : « Cela a duré seulement trois semaines, ce qui nous permet de rester focalisés sur le développement du produit ».
Avant de devenir le chouchou des investisseurs, Hugging Face a pourtant cherché son modèle. Lors de la création de la startup en 2016, Clément Delangue avait surtout une envie, revenir à ses premières amours de l’entrepreneuriat et du machine learning, qu’il avait déjà expérimenté en France. C’est pendant un stage chez eBay pendant ses études qu’il fait la rencontre de deux étudiants « geeks » de Centrale, ces derniers lui expliquent que la technologie de détection avec QR code de Paypal est datée et qu’ils ont inventé bien mieux. Il est intrigué et suit les deux ingénieurs dans leur startup Moodstocks, qui travaille sur du machine learning appliqué à la reconnaissance d’objets. « C’est à ce moment-là que j’ai été converti à l’univers des petites boîtes qui arrivent parfois à faire de meilleurs produits que les grands groupes, avec beaucoup moins de moyens ». Il prend en charge la partie produit, et la jeune pousse est rachetée par Google l’année suivante. Clément Delangue passe ensuite chez Mention, une startup spécialisée dans la e-réputation, qui est vendue à Mynewsdesk, ce qui amène le jeune français aux États-Unis, à New York.
Au bout de quelques mois, le syndrome de l’entrepreneuriat le reprend. « J’ai eu envie de revenir à mes premiers amours du machine learning. Avec mes deux associés, nous étions obsédés par l’adaptation du machine learning pour comprendre la structure d’un texte et son sens ». A sa création en 2016, Hugging Face se présente comme un chatbot « fun » pour les adolescents, qui peut alimenter une conversation. Mais les fondateurs se rendent alors compte que la technologie peut s’appliquer à bien d’autres cas d’usage. En 2018, le groupe pivote et lance Transformers, une librairie open-source afin de permettre aux scientifiques et ingénieurs de construire des modèles de machine learning appliqués au traitement du langage naturel. Hugging Face commence alors à monétiser ce modèle pour les entreprises, comme par exemple pour optimiser les résultats de recherche dans Bing, classifier des réponses dans Typeform, ou encore le remplissage automatique dans Linkedin ou Gmail.
Aujourd’hui, plus de 5 000 entreprises utilisent la technologie Hugging Face, si bien que le groupe veut capitaliser sur ces premières victoires. « Cette levée de fonds a pour ambition d’accélérer et de devenir la plateforme de référence du machine learning », avance Clément Delangue. Si le groupe avait encore 90 % de cash de sa dernière levée de fonds, cet argent frais servira principalement à une vaste campagne de recrutement. Hugging Face va tripler ses effectifs, qui sont actuellement d’un trentaine de personnes, à Paris, New York et à distance.