Si les banques de l’Hexagone viennent d’être touchées de plein fouet par la crise, la presse française quant à elle lutte contre la dépression depuis déjà des années. C’est le triste constat dressé par un article du Herald Tribune daté du 19 octobre. Sur 1000 français, seulement 154 achètent et lisent un quotidien: moins qu’à Cuba ou qu’en Lituanie, et surtout bien loin derrière l’Allemagne ou la Grande-Bretagne! Trop chère, trop maigre, mal distribuée, la presse en France semble affligée de tous les maux. La faute à qui, selon ce journaliste anglo-saxon, et cela va de soi, libéral? A l’État, aux corporatismes et à la régulation bien évidemment. La loi Bichet (1947) interdit la sélection des titres en boutique, le réseau de distribution est en fait un monopole qui défend bec et ongles ses intérêts, les subventions gouvernementales empêchent la compétition et le dynamisme, et pour finir, cerise sur le gâteau, les kiosques sont souvent fermés le week-end (jours, dans tous les autres pays, de pic des ventes). Au lieu de s’enliser dans un tel modèle d’archaïsmes, le journaliste suggère que la presse française s’inspire de ses voisins allemands et britanniques: plus de tabloïds, penser les quotidiens comme un produit commercial, voilà les solutions!
La presse française enterrée, c’est au tour du système bancaire: comme l’explique un article du Financial Times du 13 octobre, les banques françaises s’étaient vantées jusqu’à présent d’être plus solides que leurs consœurs étrangères. Mais depuis la faillite de Dexia, et la révélation que trois des quatre plus grandes banques ont en fait largement ouvert leur capital aux spéculateurs étrangers pour lever des fonds, rien n’est plus sûr. Et c’est donc sans surprise que la confirmation d’un plan de sauvetage arrive le lendemain dans un article de Forbes Magazine. 320 milliards d’euros destinés à garantir les prêts des particuliers, et 40 milliards alloués à la création d’une réserve de liquidité en cas de situation d’urgence.
Le journaliste rappelle que ce plan est la contribution française à des mesures d’urgence adoptées au niveau européen. Si l’on doutait encore que ces dispositions financières soient indispensables, 600 millions d’euros de pertes sont annoncés par la Caisse d’Epargne, comme le relate le New York Times du 17 octobre. En cause, “l’extrême volatilité des marchés” et l’imprudence de certains traders qui ont dépassé les plafonds de risques autorisés lors de la spéculation sur des produits dérivés. Un article de Bloomberg Journal explique alors la volonté du gouvernement français de trouver des coupables et de leur faire assumer les conséquences. Le résultat est la démission ce week-end des trois premiers dirigeants de la Caisse d’Epargne, et des interrogations toujours plus grandes sur la supposée résistance de notre système bancaire.
Heureusement, Nicolas Sarkozy est là. Par force d’hyperactivité, il s’est imposé comme le leader incontesté de l’Union Européenne face à la crise. D’hyperactif justement, mais aussi “autoritaire et imprévisible“, voilà comment le qualifie le Herald Tribune du 15 octobre. Ce dernier salue son action à la tête de l’Europe, de la bonne gestion du conflit en Géorgie à sa réussite à réunir l’Europe, traditionnellement divisée sur les questions financières, autour d’une réponse commune à la crise. Attention à ne pas prendre la grosse tête conseille néanmoins un autre journaliste du Washington Post qui cite le désir du président français de “re-fonder le capitalisme mondial”, face à une administration Bush un peu sceptique.
Mais ici aussi, Sarkozy est décrit comme un chef compétent et actif (“un omni-président” dit l’article qui reprend une expression du Canard Enchainé), alors qu’il était jusqu’à maintenant surtout connu des américains pour ses frasques personnels et son remariage avec Carla Bruni. Et Newsweek de remarquer qu’il avait tout à gagner de ces prises de risques, puisqu’aucune élection ne le menace avant 2012.
Et si les femmes pouvaient aussi aider à résoudre la crise? C’est l’idée promue par le Forum économique et social de Deauville, qui se tenait de jeudi à samedi et auquel participaient plus de 1200 femmes du monde entier. Ingrid Bétancourt, Diane Von Furstemberg, Fadela Amara, Christine Okhrent, voilà quelques uns des grands noms français qui étaient présents lors de l’événement selon le New York Times. C’est d’ailleurs une française qui à l’origine de ce forum: Aude Zieseniss de Thuin, aujourd’hui 58 ans, et dont la volonté est de “donner une voix aux femmes”. Ainsi, pendant trois jours, se sont enchainés conférences et ateliers, avec comme problématique centrale la place et le rôle des femmes dans les grands sujets du moment: la crise économique, l’environnement et les élections américaines entre autres. Au-delà des grands sentiments, le journaliste ne peut s’empêcher de remarquer avec ironie, le paradoxe, apparemment fréquent en France, entre discussions sur la pauvreté et petits fours, débat sur les femmes battues et promotion de cosmétiques hors-de-prix. Mais selon une participante, il faut surtout retenir de ce forum qu’il est l’occasion de démontrer “une dynamique collective: les femmes sont au service du progrès”; et que loin des préjugés, il existe une véritable solidarité féminine: “Nous voulons toutes que toutes réussissent”.
Enfin, Joe le plombier, le héros de la campagne, célébré par McCain pour avoir interpellé Obama sur les impôts. Dans un éditorial du New York Times, Roger Cohen se livre à une étude comparative de la figure du plombier en France et aux États-Unis. Il rappelle ainsi qu’avant le Joe le Plombier de l’Ohio, il y avait le plombier polonais (appelons-le Jozef le Plombier donc) qui s’est infiltré avec heurts et fracas dans la vie politique française. L’éditorialiste ironise sur la célébrité de tels personnages, qui a toujours pour arrière-plan le marasme économique, et déplore leur inutilité à faire progresser le débat politique. Au final, il suggère que Joe et Jozef se rencontrent à Paris après les élections américaines, afin de discuter entre frères d’arme affectés par la crise d’une coopération internationale: Plombiers de tous les pays, unissez-vous! Remarquons au passage que Roger Cohen a omis de mentionner une différence de taille: dans le cas de la France, le plombier polonais n’était pas la victime, mais la menace.