Rien ne change. La nouvelle est tombée vendredi soir. Le bureau du représentant américain au commerce a décidé de maintenir les droits de douane de 25% imposés en octobre sur le vin français en guise de représailles contre les subventions européennes à Airbus jugées illégales.
Le monde des importateurs de produits français aux Etats-Unis attendait le 14 février avec inquiétude: c’était la date fixée par l’administration américaine pour une éventuelle révision des sanctions. Finalement, c’est sur Airbus directement que la Maison Blanche a décidé de mettre la pression: les droits douaniers imposés sur les avions importés de l’Union européenne passent de 10% à 15% à partir du 18 mars 2020. A noter, le jus de pruneaux a été supprimé de la liste des articles taxés mais un droit douanier de 25% est apparu sur les couteaux de cuisine français et allemands.
S’ils craignaient le pire (avec des rumeurs de taxes à 100% qui circulaient avec insistance), les importateurs et amoureux de vin français ne sont pas soulagés pour autant. Les 25% pesant sur les vins français commencent à se faire sentir. “Il y a de grosses difficultés pour les importateurs de vin français en Californie”, explique Gregory Castells, le propriétaire de Martine’s Wine, importateur majeur aux Etats-Unis. “On essaie de lancer un mouvement à Washington DC : une de mes associés était dans la capitale pendant 4 jours, pour aller voir auprès des Démocrates et des Républicains au Congrès”… Et faire pression de leur côté aussi.
L’entreprise de Grégory Castells est importateur depuis 40 ans en Californie, et ses vins proviennent principalement de Bourgogne et de Savoie, des vins à moins de 14 degrés (seuls les vins de moins de 14° d’alcoolisation sont en effet concernés). L’administration américaine n’a jamais expliqué son choix -pas plus que celui de ne pas imposer de droits sur le champagne et autres vins pétillants par exemple- mais il reprend la distinction traditionnelle de la réglementation américaine entre “table wine” (moins de 14°) et “liquor wine” (plus de 14°).
L’importateur n’a pas immédiatement augmenté ses prix. “On ne change pas les prix comme ça”, lance-t-il. “On a digéré les 25% payés sur la fin de l’année”, explique-t-il. “25%, c’est énorme sur une année et sur une marge de 30-40%”. Depuis janvier, il a commencé à recalculer ses prix de vente.
A Washington, l’Ambassade de France est sur le qui-vive, et a mis en place un accompagnement par de la veille informative et un dialogue régulier avec des entreprises inquiètes. En 2018, la France avait vendu un milliard d’euros de vins non pétillants aux Etats-Unis. Le ministère français de l’Economie estime que les nouveaux droits de douane pourraient coûter jusqu’à 300 millions d’euros à la filière viticole hexagonale, en année pleine. Certains responsables de la filière sont encore plus alarmistes. Antoine Leccia, président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS), dit “craindre une baisse des ventes de l’ordre de 50%”.
Du côté américain, selon une étude commandée par Wine & Spirits Wholesalers of America, l’industrie américaine des boissons alcoolisées pourrait perdre près de 36 000 emplois, et plus de 1,6 milliard de dollars de salaires cette année, “coûtant à l’économie américaine plus de 5,3 milliards de dollars”.
L’administration Trump a annoncé une nouvelle révision des sanctions dans 180 jours. Par ailleurs, l’OMC, qui avait autorisé ces taxes supplémentaires, se prononcera dans les prochains mois sur une plainte équivalent de l’Europe contre les Etats-Unis et Boeing, qui pourrait autoriser l’UE à adopter des sanctions équivalentes, ouvrant la porte à d’éventuelles négocations. En attendant, importateurs, détaillants et consommateurs vont devoir payer la facture.