C’est un retour en France dont Adèle Gapin se souviendra longtemps. Chercheuse invitée à Georgia Tech, elle fait partie des milliers de Français de l’étranger qui ont décidé de rentrer précipitamment au pays en pleine crise du Covid-19.
Une décision plus facile à prendre qu’à exécuter. Avant de pouvoir embarquer à bord de son vol retour le 19 mars en partance d’Atlanta, elle a fait face à un parcours du combattant. Elle a passé “entre huit et dix heures au téléphone sur trois jours” avec Air France pour faire annuler un billet. Au moment d’acheter son ticket pour la France, elle a vu s’afficher des vols à “11 000 euros“.
“J’ai fait jouer mes VPN. Je me suis baladée sur différents sites en actualisant les pages“, raconte-elle. Elle finira par obtenir un trajet Atlanta-Pau via Paris pour 700 euros. “Voir des vidéos de l’Etat assurant qu’on s’occuperait des Français à l’étranger et entendre mes proches me dire qu’il fallait juste appeler l’ambassade, c’était dur car ce n’était pas vrai“, explique-t-elle aujourd’hui.
L’expérience d’Adèle Gapin rappelle les inévitables difficultés et le chaos qui accompagnent une opération aussi importante que le retour d’urgence de 150 000 Français sur fond de crise sanitaire.
Ambassade ou consulats difficilement joignables, informations contradictoires, standards de compagnies aériennes pris d’assaut: obtenir le précieux sésame de retour n’était pas une partie de plaisir. “J’étais partie du principe que je pouvais rentrer dans mon pays, mais ce n’est pas vrai car beaucoup de vols ont été supprimés. La France ne m’aurait pas refusée à la frontière, mais encore fallait-il y arriver !“, souffle Clémentine Schoeffel, une étudiante de Sciences po Lille en échange à l’université Georgia State University (GSU).
Pour elle, le principal défi a été l’accès à l’information. Elle était inscrite sur le fil Ariane, un service de conseils aux voyageurs mis en place par le Ministère des Affaires étrangères, mais “je n’ai pas eu d’infos contrairement à ce que je pensais“. Elle en trouvera par l’intermédiaire d’un groupe Facebook de Français d’Atlanta, où un membre du consulat était actif. Finalement, sa mère prendra l’initiative de lui acheter un billet retour.
“J’avais peur de prendre un billet qui serait annulé par la suite“, raconte pour sa part Maïlys Le Doujet, stagiaire à New York. Elle aussi a pratiqué le rafraichissement de page à répétition pour trouver son vol. “Les prix fluctuaient selon les heures. Ils sont passés de 1 200 à 400 euros“, se souvient-elle. “Je me considère chanceuse par rapport aux voyageurs qui sont bloqués dans des conditions terribles“, dit-elle.
Selon le Quai d’Orsay, quelque 60 000 personnes ont pu rentrer en France grâce à la mobilisation exceptionnelle de l’Etat et d’Air France. “Les situations sont souvent très compliquées et requièrent une forte mobilisation, y compris au plan politique. Nous nous entretenons ainsi avec nos homologues des pays concernés et continuerons à le faire à chaque fois que cela sera nécessaire. Nous veillons aussi à ce que les tarifs des billets d’avions soient régulés en demandant, dans le contexte exceptionnel que nous vivons, aux compagnies aériennes de faire un effort, ce qu’elles sont nombreuses à accepter“, ont indiqué le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et le Secrétaire d’Etat aux Transports Jean-Baptiste Djebbari dans un communiqué le 23 mars.
Aux Etats-Unis, Air France réduit progressivement la voilure. Le 22 mars, elle a suspendu ses liaisons avec Chicago, San Francisco, Washington, Miami et Atlanta pour conserver uniquement des vols depuis New York et Los Angeles, à raison de trois par semaine.
Rentrée en France, Adèle Gapin aurait aimé que les services de l’Etat communiquent davantage – “entre lundi et jeudi, jour de mon départ, j’ai reçu un seul et unique mail d’Ariane (le site dédié du ministère) m’indiquant qu’il fallait que je rentre”.
Elle est moins critique envers Air France. “Malgré les temps d’attente au téléphone où je n’ai jamais réussi à les avoir, je trouve qu’ils ont plutôt bien géré la situation. Une fois que j’avais réservé mon billet, j’ai reçu plusieurs mails m’indiquant que mon vol était maintenu. C’était assez rassurant!, dit-elle. Au-delà du fait d’avoir été complètement seule à gérer la situation, je dirais que le départ en précipitation a été assez dur à gérer. Je n’ai pas pu dire au revoir à mes amis et collègues.”