Vous allez pouvoir continuer à débattre d’« Emily in Paris » lors de vos dîners en ville. Dans la foulée du deuxième volet, diffusé sur Netflix depuis fin décembre, le site de streaming a annoncé deux nouvelles saisons. Pour le meilleur ou pour le pire !
Il n’y a pas que les Français des États-Unis qui attendent avec impatience (ou pas) la suite des tribulations d’Emily Cooper en terre française. Pour les Américains en France, la série provoque les mêmes sentiments extrêmes. Pour les uns, c’est simplement une comédie qu’il faut prendre avec du recul. Pour d’autres, elle est profondément insultante et caricaturale. Pour Jason Farago, un journaliste du New York Times à Paris qui se rend régulièrement dans l’un des cafés fréquentés par Emily, le show réduit la capitale française à une « série de décors convertibles » et « nous montre la fadeur des biographies-smartphones que nous écrivons en permanence ».
À l’inverse, dans le journal britannique The Guardian, Caitlin Raux Gunther, journaliste américaine vivant aussi dans la ville-lumière, partage son admiration pour la « résilience » d’Emily face aux piques de ses collègues et encense la philosophie de sa boss, jouée par Philippine Leroy-Beaulieu, qui l’encourage à lâcher prise en France. « Emily, tu as le reste de ta vie pour être aussi ennuyante que tu le souhaites. Mais tant que tu es ici, tombe amoureuse, fais des erreurs, laisse un désastre dans ton sillage », lui conseille-t-elle dans l’un des épisodes.
« Tous les Américains à Paris peuvent trouver quelque chose de négatif à dire au sujet d’Emily, mais secrètement, ils aimeraient être dans le show », sourit Damon Dominique. Influenceur de Chicago vivant à Paris, cet Américain auteur de vidéos sur ses voyages et son quotidien en France pourrait être une version masculine d’Emily Cooper. Si la série n’est pas sa tasse de thé, il s’est retrouvé dans certains chocs culturels qu’elle met en avant. Il évoque la scène du plombier qui vient à l’appartement d’Emily sans les outils ou pièces nécessaires pour réparer la douche, ou le volume élevé de la voix de la jeune femme.
Après dix ans à Paris, il regrette toutefois que « tous les shows sur la ville sont un peu toujours comme ça » et que « la façon dont les Américains sont représentés en France est toujours la même : animés, vêtus de couleurs très voyantes… On nous force le trait. Je n’ai pas de problème avec Emily in Paris, qui est du divertissement. Je suis plus embêté par le fait qu’il n’y a pas d’autres shows sur les Américains en France », explique-t-il.
Journaliste et auteure du livre The New Parisienne, Lindsey Tramuta n’est pas aussi tendre. Déjà très critique de la première saison – dans une vidéo postée en décembre, elle avait assimilé « Emily in Paris » à un « gros stéréotype » – elle pense que la suite « continue de déformer les Parisiens ». « La ville était plus belle que jamais dans ce nouveau volet, mais la scène du hamman, censée être à la Grande Mosquée – elle ne l’était pas – était odieuse et mauvaise. Une illustration de plus d’une culture réduite à une sorte de fantasme exotique » (référence au rendez-vous entre Emily, son amie Camille et deux autres femmes dans un « décor arabe sans arabes, arrière-plan amusant pour permettre à ces femmes blanches d’avoir l’air sexy », comme l’a noté l’historien Arthur Asseraf sur Twitter). « J’entends beaucoup dire : pourquoi ne pourrait-on pas apprécier la fantaisie qu’offre la série ? Je leur réponds : pourquoi une représentation plus réaliste de la vie à Paris ne pourrait-elle pas faire partie du mythe ? », poursuit Lindsey Tramuta.
« Ce qui est dommage, c’est qu’Emily fait un peu plouc. Elle ne parle pas français, ne comprend pas la culture », juge Rebecca Dolinsky, qui vit depuis quarante ans à Paris. Cette artiste new-yorkaise naturalisée française a été figurante dans la série (une scène tournée Place des Vosges avec Mindy, la meilleure amie d’Emily, et son copain). Pour elle, la vie parisienne montrée dans le show représente une certaine expatriation, celle d’une jeunesse dorée qui vit dans une « bulle » anglophone et sur les réseaux sociaux.
Ce n’est pas l’expérience qu’a connue Rebecca Dolinsky, francophile dans le sang comme l’était sa mère. « On ne montre pas les jeunes Américaines brillantes qui vont en France, deviennent jeunes filles au pair ou donnent des cours d’anglais tout en vivant dans des chambres de bonnes, regrette-t-elle. La série est un fantasme. Beaucoup de jeunes filles aimeraient avoir une garde-robe à 120 000 euros, passer une nuit avec le plus beau chef du monde, dormir dans un château (…) Emily, c’est la vie parisienne telle que voudraient la vivre les Américains ». Elle apprécie néanmoins que la série magnifie Paris et ses lieux. « C’est la ville qui fait le plus fantasmer au monde ! »
Crédit photo : Emily in Paris / Netflix