L’enthousiasme a gagné les rues françaises ces derniers jours, la planète s’y est donné rendez-vous pour la grande fête du rugby, la coupe du monde, qui se tient tous les quatre ans. Dans huit ans, en 2031, elle se déroulera… aux États-Unis. Deux ans plus tard, en 2033, c’est la coupe du monde féminine qui visitera le pays de l’Once Sam. Pour le même engouement ? Il serait présomptueux de l’affirmer dès aujourd’hui tant le rugby en est encore à l’état embryonnaire de ce côté-ci de l’Atlantique. Le nombre de licenciés plafonne à 100.000, dans 2.500 clubs, et même si certains sondages, comme celui de l’Ipsos en 2019, affirment que le nombre de pratiquants est bien plus élevé (autour de 1,8 million), les Américains n’ont pas encore totalement succombé aux charmes du ballon ovale. Mais certains y travaillent.
C’est notamment le cas de Kimball Kjar. Cet ancien international américain, qui compte 19 sélections dont 2 durant la coupe du monde 2003, a cofondé la franchise des Utah Warriors, à Salt Lake City. Les Warriors sont devenus en quelques années une équipe majeure du championnat américain, la MLR (Major League Rugby), lancée en 2018. Surtout, Kimball Kjar se démène pour faire sortir le rugby de son seul cercle d’initiés. Il a notamment récemment noué un partenariat avec le Stade Toulousain, et compte bien s’appuyer sur le savoir-faire français pour faire grandir le sport aux Etats-Unis.
« On a commencé à y penser il y a quelques années, raconte-t-il. On s’est rendu compte que si on voulait continuer à faire évoluer le rugby aux États-Unis, on devait le relier à l’une des importantes institutions du rugby mondial, ce qui est le cas, en tout cas économiquement, du rugby français. On a discuté avec plusieurs clubs de Top 14 et Pro D2. Mais c’est avec Toulouse qu’on s’est le mieux entendu. Ils ont été ceux qui ont compris le concept qu’on souhaitait mettre en place : une joint-venture (co-entreprise), dont le but principal sera la création de contenus. »
Toulouse est particulièrement réputée dans ce domaine : le club du sud-ouest de la France a sorti un film, intitulé Le Stade, sur les coulisses de sa saison 2020-2021, conclue par un doublé championnat de France – Coupe d’Europe. Puis en a développé une série, diffusée sur Paramount+, (la 2e saison a récemment été mise en ligne).
« Il faut travailler le storytelling, l’art de raconter des histoires autour de ce sport, développe Kimball Kjar. On doit réussir à attirer de nouveaux fans, un public plus jeune. Si on se contente de compter seulement sur la communauté actuelle du rugby pour grossir économiquement, on ne réussira jamais. La F1 l’a très bien fait avec Drive To Survive. On doit pouvoir raconter au public américain l’histoire d’Antoine Dupont, un joueur extraordinaire, et comment ce gars si célèbre remporte le trophée de joueur de l’année et rentre tranquillement, à bicyclette, avec le trophée dans le panier du vélo. »
Suffisant pour faire entrer le rugby dans une nouvelle dimension ? Kimball Kjar en est persuadé. « Les Américains sont faits pour être des fans de rugby, mais ils ne le savent pas encore ! Le rugby rassemble tout ce qu’ils aiment dans les autres sports, le physique du foot américain, la technique individuelle du basket, ou encore la fluidité et la psychologie du soccer. » La Fédération américaine pourra s’appuyer sur l’expérience de l’organisation française de la coupe du monde. Elle pourra aussi compter sur la visite régulière du Stade Toulousain, qui est venue une première fois en septembre à l’occasion d’un match amical organisé à Salt Lake City face à la sélection nationale des USA (victoire 24-21 des États-Unis), qui a notamment attiré Paul Salvaire, Consul général adjoint de France à San Francisco.
Les Américains pourront aussi compter sur les prochains Jeux Olympiques, l’an prochain… en France. Leur équipe nationale (c’est du rugby à VII) s’y est brillamment qualifié. Peu s’en souviennent, mais les États-Unis ont déjà été champions olympiques de rugby : c’était en 1920 à Anvers, en Belgique ! L’exploit n’était pas immense : ils n’avaient eu qu’à jouer -et remporter- un match. C’était… face à la France, évidemment.