Entrer chez Karin Swildens, c’est un peu comme pénétrer dans un musée. La convivialité en plus. Dans son appartement de Westwood, du sol au plafond, chaque centimètre carré, ou presque, est occupé par ses sculptures et ses dessins.
Dans un coin du salon, une dizaine de drôles de maisons d’argile miniatures au style babylonien, constituent un étrange village onirique. Dans l’escalier qui mène à son atelier, des têtes de bouddha en forme de galets ornent le mur. Par terre aux quatre coins de l’appartement, une série de chevaux en terre glaise et des sculptures érotiques. Nombre de ces pièces étonnantes seront exposées à partir du 26 octobre prochain aux Hamilton Galleries de Santa Monica, en face de la promenade qui donne sur l’océan.
Née dans une famille d’artistes, Karin Swildens a grandi aux Pays-Bas jusqu’à l’âge de 9 ans. En 1953, elle rejoint son père à Tanger au Maroc, où ce dernier s’est installé un peu plus tôt pour son travail. Elle y apprend très vite le français. A 19 ans, elle part étudier à Paris, aux Arts décoratifs. Après ses études, Karin Swildens travaille notamment à la restauration de peintures au Louvre, illustre des magazines et un livre pour enfants, et dessine des foulards pour Hermès. Ce n’est qu’une fois arrivée à Los Angeles, où elle a suivi son mari, correspondant d’Antenne 2, qu’elle se découvre une nouvelle passion : la sculpture.
De l’autre côté de la toile
«Le désir de sculpter m’est venu d’une drôle d’intuition : un jour j’ai spontanément eu envie de retourner mes peintures pour regarder ce qu’on y voyait au dos: je me suis alors rendue compte que la seule façon de pouvoir réellement voir et toucher ce qu’il y avait de l’autre côté d’une, c’était de me mettre à la sculpture» raconte-t-elle. Au début, un peu intimidée, elle commence avec du bois léger. Elle est tellement heureuse et surprise du résultat, qu’elle se met à travailler du bois plus épais, plus finalement la glaise.
« Je sculpte pour mettre une forme sur une phrase, un rêve, un sentiment, des événements de ma vie». Le thème de l’érotisme évoque une place importante dans son œuvre. « J’ai été très marquée par les années 70, la libération sexuelle et le féminisme. Dans mes sculptures et mes dessins, j’évoque les relations hommes- femmes, les conflits et l’intériorité de chaque sexe ». Avec profondeur, mais aussi beaucoup d’humour.
Une audace qui n’est pas sans choquer le puritanisme américain, même à Los Angeles. « Les gens en général, cachent leur gêne en riant. Lors de ma première exposition d’art érotique, il m’est arrivée une drôle d’aventure : mes pièces devaient être exposées avec d’autres, au rez-de-chaussée d’un grand immeuble d’Hollywood loué pour l’occasion. Quand le propriétaire a découvert la teneur de l’exposition, il a tout de suite essayé de nous expulser ! L’organisateur de l’événement a alerté le magazine Playboy qui est venu faire un reportage et des photos : résultat, l’une de mes sculptures a fini dans le magazine ! ».
Nombre de ses pièces sont inspirées par les philosophies orientales et la mythologie. «Enfant, j’ai été élevée dans le catholicisme. Au Maroc, j’ai le souvenir d’églises lumineuses, de musique, d’ambiances extrêmement gaies. Quand je suis arrivée à Paris, j’ai trouvé les églises tristes, grises, sans vie. Je m’en suis éloignée. Ce n’est que plus tard que j’ai découvert les philosophies orientales».
Même si une partie de sa famille et de ses souvenirs est restée en France, l’Hexagone ne lui manque pas vraiment. “Repartir vivre en Europe ? Pourquoi faire ?” demande-t-elle, assise dans son atelier baigné de lumière, d’où l’on aperçoit les collines d’Hollywood . “Je suis bien trop heureuse ici”.