Aux Etats-Unis pour promouvoir Adele, la traduction anglophone de son premier roman Dans le jardin de l’ogre, la romancière franco-marocaine Leïla Slimani sera à Austin le 25 février.
«Lorsque le scandale DSK a éclaté, j’ai lu beaucoup d’articles dans la presse française sur l’addiction sexuelle. C’est ainsi qu’est né le personnage d’Adèle », explique Leïla Slimani. Son héroïne, Adèle Robinson, a tout de la jeune femme bien comme il faut. Journaliste, elle vit dans le « beau XVIIIe » avec son époux chirurgien et leur fils, Lucien. Mais elle multiplie depuis longtemps les amants, et de manière compulsive.
La romancière raconte l’existence de cette mère de famille comme la descente aux enfers d’une toxicomane : Adèle subit son addiction au sexe et la double vie sordide que celle-ci impose. « J’ai voulu faire le portrait d’une femme qui n’a pas les qualités habituelles que l’on impose à un personnage de roman, ajoute Leïla Slimani. Adèle est passive, nymphomane, mais je ne la juge pas. J’essaie de susciter une forme d’empathie chez le lecteur ».
L’auteur a grandi à Rabat dans une famille franco-marocaine « très libre ». Ce premier roman est d’ailleurs dédicacé à ses parents, « passionnés d’art et de littérature », qui l’ont toujours soutenue et encouragée à écrire. « Je pense qu’il auraient eux-même rêvés d’être écrivains ».
Journaliste, elle quitte le journal Jeune Afrique 2012 pour se consacrer à l’écriture littéraire. Son deuxième livre, Chanson douce (The Perfect Nanny pour la version anglophone) lui a valu le prix Goncourt en 2016. Également inspiré de faits réels -l’assassinat de deux jeunes enfants par leur nourrice-, il s’est retrouvé en tête de la liste des best-sellers du Washington Post et a dépassé les 100.000 exemplaires vendus aux Etats-Unis : « Les lecteurs américains portent un regard très différent de celui du public français sur mes romans, ils ont une façon de lire très politique, souligne Leïla Slimani. The Perfect Nanny a suscité de nombreuses discussions sur les inégalités sociales et les races – “un mot que nous n’employons pas en Français et que je ne supporte pas! »
Avec Adele, l’auteur s’attend à des débats passionnés sur la sexualité. « Il n’y pas de femme plus libre dans le monde que la femme française ! La société américaine est plus prude, avec un rapport à la religion délicat ». Sur le plan culturel et artistique, les Etats-Unis la fascinent :« C’est un pays d’une créativité incroyable. J’aime les écrivains du sud des Etats-Unis: Carson McCullers, Faulkner, Fitzgerald, les sociologues de leur temps. Je lis aussi beaucoup d’auteurs contemporains, même si je trouve qu’on retrouve souvent les mêmes schémas dans les romans américains dernièrement. C’est certainement lié à la popularité des ateliers de Creative Writing… »
Pourrait-elle s’y installer ? « Non, les Etats-Unis me fascinent autant qu’ils me font peur. J’associe ce pays à une extrême violence, autant sociale que physique. Le port d’arme, par exemple, est quelque chose qui pour moi reste complètement incompréhensible. »
Elle travaille actuellement à son troisième roman. Est-ce difficile de se remettre à l’écriture après le Goncourt ? « Non, répond-t-elle en riant. Le plus difficile, c’est de trouver le temps d’écrire ! »