Sur les 300.000 enfants français vivant à l’étranger, seuls 115.000 fréquentent les lycées français. La situation en Amérique du Nord n’est pas si différente. Sur les 54 écoles homologuées, dites « lycées français » aux Etats-Unis et au Canada, 16.000 élèves sont scolarisés mais seuls 35% de ces élèves sont Français.
Comme on ne pourra pas construire des “lycées français” à l’infini, ni augmenter les bourses scolaires attribuées par l’Etat aux élèves de ces établissements privés, à moins d’encadrer les prix et les salaires des directeurs, comment assurer un égal accès de tous les enfants français vivant à l’étranger à une éducation française ?
Depuis quelques années, des solutions existent. Le développement de programmes bilingues dans les écoles publiques a retenu beaucoup d’attention. Mais il ne faut pas oublier les programmes FLAM (Français Langue Maternelle), qui en sont souvent les précurseurs.
Créé par le Parlement français en 2001, ce programme est conçu pour des enfants de 5 à 16 ans qui, à cause de la distance, n’ont pas accès aux écoles françaises. Son objectif: soutenir financièrement des associations dont le but est de permettre à des enfants français établis à l’étranger de conserver la pratique de leur langue maternelle. Ces associations extra-scolaires offrent un cadre de socialisation en français que les outils numériques ne peuvent pas donner.
Avec le renchérissement des “lycées français” payants et le manque de place, les parents se sont saisis de ce dispositif. Aux Etats-Unis, 22 associations FLAM scolarisent environ 2.300 élèves dans les grandes métropoles américaines.
Problème: ces associations doivent se répartir 600.000 euros de subvention FLAM pour toute la planète, soit 3 euros par enfant et par an ; des statistiques de pays en voie de développement. La subvention créée pour soutenir les associations est d’ailleurs dégressive et disparaît au bout de cinq ans, à raison de -20% par an.
En 2009, j’ai créé une association FLAM à San Francisco, Education Française Bay Area, pour démocratiser l’accès à l’éducation française au travers de différentes activités (afterschool, centre aéré, programmes culturels). Nous avons démarré avec 250 enfants dans 10 villes de la Baie de San Francisco. Aujourd’hui, huit ans plus tard, nous servons près de 600 familles par an et nous ne recevons plus de subvention FLAM. Les enfants préparent le DELF qui est un diplôme de français langue étrangère et qui, combiné à un « high school diploma », ouvre les portes de l’enseignement supérieur en France et dans l’Union Européenne.
Que notre association ait survécu à la disparition de la subvention FLAM ne doit pas laisser penser que ce financement dégressif fonctionne. Agrégée d’économie-gestion, j’ai la chance de pouvoir m’appuyer sur un petit groupe dynamique de personnes qui réussit à faire beaucoup avec peu.
Aujourd’hui, l’équilibre financier de notre association reste fragile et nos salaires modestes. Si la subvention FLAM nous était rendue, nous pourrions faire des merveilles avec peu. Par exemple, nous développerions les programmes culturels qui font vivre la langue minoritaire dans des contextes authentiques et variés. Nous augmenterions les salaires de nos enseignants, qui n’ont pas été réévalués depuis 2010. Nous ajouterions un niveau lycée à nos cours en mélangeant du présentiel et des cours en ligne.
Malheureusement, la France a déjà engagé tout son budget dans le réseau des « lycées français ». Conséquence: on répartit la pénurie entre les bourses qui ne cessent de se réduire, les programmes FLAM qui ne reçoivent qu’une obole (seules quatre associations aux Etats-Unis reçoivent encore une aide de l’Etat, qui s’élève en moyenne à 2.000 euros par an) et les classes bilingues dans le public qui ne bénéficient d’aucune aide financière significative.
Candidats à l’élection législative en Amérique du Nord (3 et 17 juin 2017), aurez-vous le courage de réformer le système d’enseignement à l’étranger, une fois élus ? Aurez-vous le courage de dire que maintenir des “lycées français” dans des pays francophones comme le Canada n’est plus prioritaire ?
Les enfants qui apprennent le français dans les associations FLAM pourraient grandement bénéficier de la professionnalisation de ces associations, portées à bout de bras par des parents héroïques. Sur le modèle des écoles allemandes du samedi, la subvention FLAM devrait être conditionnée aux résultats des élèves et non au temps qui passe.
Si la politique est l’art de « vouloir vouloir », en matière d’éducation française à l’étranger, comme dans d’autres domaines, pour mieux servir l’intérêt général, il faudra redéployer les moyens et accepter de redistribuer le gâteau. Et non demander à la majorité des enfants français de se contenter des miettes. Les enfants des autres ne méritent-ils pas les mêmes opportunités que nos propres enfants ?