Les citoyens français qui s’expatrient aux Etats-Unis le font généralement avec la conviction de faire un choix sûr, aussi profitable à leur carrière qu’à leur foyer. Mais le pays de l’Oncle Sam procure aussi son lot de mauvaises surprises. Et pas des moindres.
Ces Français savent-ils qu’une fois résidents aux Etats-Unis, les données de leurs comptes bancaires détenus en France pourront être envoyées au fisc américain ? Savent-ils que les enfants auxquels ils donneront naissance sur place acquerront de facto la nationalité américaine en vertu du droit de sol, et donc aussi le statut de contribuables à leur majorité ? Et qu’être contribuable américain signifie être dans l’obligation de déclarer chaque année ses revenus au fisc (Internal Revenue Service, IRS), où que l’on habite et où que l’on travaille dans le monde ?
Ces problématiques, nous les citoyens franco-américains vivant en France, qui pour beaucoup sommes des enfants d’expatriés, nous les connaissons bien. Depuis la signature d’un accord international pour la mise en œuvre en France de la législation américaine dite « FATCA », destinée à lutter contre la fraude fiscale, nos banques se sont mises à exiger que nous leur fournissions un numéro d’identification fiscale américain, pour toute ouverture de compte ou souscription de produit financier, afin de pouvoir communiquer nos données bancaires à l’IRS comme le prévoit l’accord.
Or, parmi les binationaux, nombreux sont des Américains « accidentels », parce qu’ils sont simplement nés là-bas à l’occasion de l’expatriation de leurs parents, sans y avoir jamais ni étudié, ni travaillé, ni même profité des infrastructures (ce qui pourrait bien être le cas, plus tard, de ces enfants qui naissent actuellement en territoire américain).
Jusqu’à ce que leur banque les sollicite en 2014, ceux-là ignoraient tout de leurs obligations fiscales et a fortiori ne possédaient pas d’identifiant administratif. Le plus souvent ils ne possédaient pas même un passeport. Et pourtant, ils ont découvert à cette occasion qu’ils étaient des contribuables américains, en vertu du principe de citizenship-based taxation. Ni l’administration américaine, ni l’administration française, n’avait pris soin de les en informer.
Ils se sont retrouvés devant le fait accompli, pris dans un face-à-face avec des conseillers bancaires souvent aussi peu informés qu’eux. Depuis, certains se voient fermer des comptes ou refuser la souscription de produits financiers, parce qu’ils ne sont pas en mesure de fournir le numéro d’identification fiscale demandé, ou bien parce que leurs établissements bancaires préfèrent refuser les clients présentant des « indices d’américanité » plutôt que d’avoir à remplir des formalités longues et coûteuses. Les préjudices sont nombreux et parfois très lourds : tracasseries administratives pouvant aller jusqu’à entraver les opérations nécessaires à la liquidation d’une succession, à l’obtention d’un prêt immobilier ou à la création d’une entreprise, sentiment d’être des « sous-citoyens », fermeture arbitraire d’assurances-vie pouvant avoir des répercussions fiscales, etc.
C’est pour défendre les intérêts de ces citoyens franco-américains face à Fatca et au principe de taxation basée sur la citoyenneté plutôt que sur la résidence, qu’un collectif s’est constitué en août 2014, évoluant tout récemment en Association des Américains Accidentels (AAA).
Notre association place aujourd’hui beaucoup d’espoir dans l’élection législative qui doit se tenir au mois les 3 et 17 juin. Nous comptons sur le futur député des Français d’Amérique du Nord pour qu’il ait la bienveillance de se saisir de notre cause et de porter nos exigences. La “problématique FATCA”, techniquement difficile à appréhender, est pourtant passionnante parce qu’elle parle de discriminations entre mono- et binationaux en France, de la fuite de capitaux français aux Etats-Unis, de la collaboration déséquilibrée entre les deux Etats, mais aussi de la question plus vaste de l’extraterritorialité des lois américaines. Mais surtout, elle est incontournable pour qui entend représenter les Français d’Amérique du Nord, tous concernés à des degrés divers.
Depuis sa création, le collectif a œuvré pour informer les pouvoirs publics, obtenant notamment de l’Assemblée nationale qu’elle publie un rapport d’information sur l’extraterritorialité des lois américaines. Il appartiendra au député, auquel il incombe une mission de contrôle de l’action du gouvernement, de veiller à ce que les propositions formulées dans ce rapport soient mises en œuvre par le nouveau ministre des Affaires étrangères.
Nous attendons aussi de lui qu’il interpelle le gouvernement sur l’absence totale de réciprocité dans la mise en œuvre de l’accord bilatéral relatif à FATCA. Tandis que les Etats-Unis s’étaient engagés à fournir à la France des informations sur leurs ressortissants évadés fiscaux aux Etats-Unis, ils n’ont en réalité rien mis en œuvre pour assurer ces échanges d’information ce qui, en vertu de l’article 55 de notre constitution, devrait faire échec à l’application même de la législation FATCA par nos institutions financières.
Enfin, nous souhaitons qu’il fasse le nécessaire pour que ceux de nos concitoyens qui vivent actuellement aux Etats-Unis soient informés des conséquences fiscales attachées à leur expatriation. Il est manifeste que l’administration française a mis jusqu’à présent peu d’entrain à informer ses ressortissants binationaux, laissant les banques, opérateurs privés, s’en charger, aussi maladroitement qu’imparfaitement.
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Réponse de Damien Regnard, candidat à l’élection législative de la 1ère circonscription des Français de l’étranger (États-Unis/Canada)
Cher Monsieur Lehagre,
Vous soulevez dans votre message des problématiques sérieuses et qui affectent la vie quotidienne de plusieurs milliers “d’Américains accidentels” : successions bloquées, crédits refusés, comptes en banque fermés arbitrairement et un labyrinthe administratif sans fin, avec des démarches à effectuer des deux côtés de l’Atlantique.
Il y a deux ans, je m’étais déjà beaucoup investi sur ce sujet, en rencontrant plusieurs directions au Ministère des finances à Bercy, mais aussi plusieurs parlementaires au Sénat et à l’Assemblée nationale (Commission des finances et Commission des affaires étrangères). J’ai par ailleurs pu m’entretenir, il y a trois mois, avec le député des Français de l’étranger Alain Marsaud et le directeur général de la Fédération des banques françaises en vue d’aborder ces problématiques spécifiques et de suggérer des solutions concrètes.
Suite à la signature de l’“intergovernmental agreement” (IGA) entre la France et les États-Unis sur le dossier FATCA, nous devons nous mobiliser et dénoncer le non-respect de la réciprocité, conformément à l’Article 55 de la Constitution française.
En collaboration avec les services de l’Ambassade, nous devons approcher les autorités américaines pour permettre la sortie des “Américains accidentels” de FATCA via une exonération ou tout au moins faciliter leur démarche pour sortir de la citoyenneté américaine si tel était leur choix.
Nous devons également nous opposer aux pratiques discriminatoires appliquées par certaines banques à l’encontre des “Américains accidentels”.
Enfin, nous devons nous appuyer sur le rapport de la mission parlementaire d’octobre 2016 sur les méthodes d’extra-territorialité pratiquées par les États-Unis, en particulier en ce qui concerne la situation ubuesque des Américains accidentels.
Élu député, je m’engage à appuyer toute les démarches de l’Association des Américains accidentels en vue de rétablir leurs droits et de sortir de cet imbroglio. Le dossier liant FATCA, les “Américains accidentels” et l’accès aux comptes en banque sera une de mes toutes premières priorités, car il impacte directement la vie quotidienne de nos concitoyens.
Je souhaite tout le succès possible à l’Association des Américains accidentels et leur apporterai tout mon appui.
Très fidèlement,
Damien Regnard