Dans le cadre de la campagne des législatives françaises, French Morning dresse le portrait de chacun des candidats au poste de député des Français d’Amérique du Nord (États-Unis et Canada). Le premier tour du scrutin commencera dès le vendredi 27 mai pour le vote en ligne, et se tiendra le samedi 4 juin dans les bureaux de vote.
Les balades en vélo qu’il affectionne tant, ce sera pour plus tard. Roland Lescure reste en selle mais pour une course d’un autre genre : celle pour sa réélection. Une candidature aux couleurs de Ensemble!, la bannière de la majorité présidentielle pour ces législatives regroupant Renaissance – nouveau nom de La République En Marche – Horizons et le Modem pour représenter, cinq ans de plus, les Français d’Amérique du Nord à l’Assemblée nationale. Le suspense de la candidature du député sortant n’en était pas vraiment un, même s’il assure avoir mûrement réfléchi en famille avant de repartir en campagne.
La période de crise actuelle semble avoir levé ses doutes. « Les raisons pour lesquelles je me suis présenté il y a 5 ans sont toujours valables, explique l’élu de 55 ans, évoquant un « tournant historique où les forces populistes et progressistes sont en conflit extrêmement fort ». En 2017, c’était le Brexit et l’élection de Donald Trump, « aujourd’hui c’est l’invasion de l’Ukraine par la Russie » et une poussée du populisme « partout, y compris en France ». Et puis, il y a Emmanuel Macron, l’homme qui l’a convaincu il y a 5 ans, seul capable selon lui « à la fois de transformer la France et de renforcer l’Europe ».
Roland Lescure avoue avoir pris goût à la fonction de député des Français d’Amérique du Nord, aux rencontres avec ses concitoyens des États-unis et du Canada « qui ressemblent, comme il aime le souligner depuis 5 ans, à la ville dans laquelle ils atterrissent ». Polytechnicien, passé par la London School of Economics à Londres, puis par Natixis et Groupama, il était arrivé à Montréal, en 2009 avec sa femme et leurs trois enfants, à la suite d’une opportunité professionnelle – poste de numéro deux de la Caisse de dépôt et placement du Québec – et par envie d’aventure, « comme beaucoup de Français vivant à l’étranger ».
À ses adversaires politiques qui l’accusent de préférer les bancs de l’Assemblée nationale à Paris plutôt que le terrain, Roland Lescure répond par des chiffres : 208 jours dans la circonscription en trois ans, ayant été, durant les deux années de pandémie, « un député sans aile »; Depuis l’ouverture des frontières, il assure passer dix jours par mois en moyenne dans la circonscription. Et surtout, il l’assume, il a choisi d’être présent dans l’hémicycle. « Être à Paris, être Président de commission (des Affaires économiques depuis 2017, l’une des huit commissions permanentes de l’Assemblée nationale), c’est une manière de générer de l’influence pour rendre plus visibles en France les Français de l’étranger », affirme l’élu, domicilié à Montréal, son bureau de vote.
Quand il dresse le bilan de son premier mandat, Roland Lescure distingue deux périodes : celle de la pandémie où il estime avoir été « extrêmement actif » dans la gestion d’urgence de la crise sanitaire et dans la circulation de l’information sur les décisions prises de part et d’autre de l’Atlantique; actif pour « améliorer les décision prises en France et sensibiliser les autorités américaines et canadiennes à des décisions prises parfois au détriment des Français d’Amérique » – difficulté notamment des Français du Canada à obtenir des visas lors de la rentrée 2020 et l’an dernier.
Hors pandémie, « l’une de mes fiertés c’est d’avoir fait reconnaître la CSG comme un impôt par le fisc américain, dit-il. Ce qui a permis aux Français des États-Unis – c’était déjà le cas au Canada – de déduire la CSG de leurs impôts payés aux États-unis avec dix ans de rétroactivité. » Roland Lescure estime également avoir aidé au développement de l’enseignement du français et en français – notamment la formation des professeurs, l’un des chantiers en cours. Et surtout, à la simplification des démarches administratives avec, notamment, l’unification des certificats de vie – plus qu’un seul au lieu d’un pour chaque caisse de retraite.
« Simplifier, simplifier, simplifier », répète volontiers Roland Lescure en guise de slogan de campagne pour un second mandat. Il veut aller encore plus loin dans la dématérialisation des démarches administratives. « Pour moi, simplifier la vie des Français de l’étranger et des Français d’Amérique du Nord a été un combat que j’ai porté durant 5 ans et que je vais continuer à porter durant 5 ans si je suis élu ». Avec une marotte, « le combat de sa vie » comme il dit, la dématérialisation complète du renouvellement des passeports, afin qu’à terme soit supprimé le déplacement obligatoire au consulat, remplacé par une reconnaissance en visio par un officier de l’État civil – une expérimentation est d’ailleurs en cours à Montréal.
Sur les rails également une « Maison France Services », directement inspirée des Maisons Services Canada, idée « que j’ai suggérée de créer au Président de la République lors d’une réunion à l’issue du Grand débat national et de la crise des gilets jaunes », assure le député. Il s’agira d’une ligne téléphonique ouverte 7/7 jours et 24/24 heures pour joindre un guichet unique de l’administration française et réservé aux Français de l’étranger. Une hotline pour répondre à toutes leurs demandes, qu’elles soient d’ordre fiscal, social ou consulaire comme un renouvellement de pièce d’identité.
Roland Lescure attribue volontiers son sens de l’engagement à l’héritage parental. Fils d’un journaliste de L’Humanité et d’une mère syndicaliste CGT à la RATP, il évoque les discussions militantes de son enfance dans le petit appartement HLM de Montreuil. Il aura pris du père sa passion de la politique, alors que son frère Pierre, l’un des fondateurs de Canal+, celle d’informer. Du communisme au macronisme, c’est le grand écart. « Autre temps, autre mœurs, mon père a eu 20 ans en 1940, moi je les ai eus en 1986 », estime le candidat, revendiquant une volonté similaire d’essayer d’améliorer le monde pour tous, « mais pour y parvenir, dans le monde d’aujourd’hui, je pense qu’il faut s’appuyer sur l’entreprise et les forces vives, d’autant plus quand elles sont à l’international ».
Pour cette nouvelle campagne, Roland Lescure formera un duo avec un nouveau suppléant. « Pascale Richard a fait un travail exceptionnel, à mes cotés pendant la campagne et pendant 5 ans, ne manque-t-il pas de souligner. Elle a été d’ailleurs reconnue en étant élue conseillère des Français de l’étranger et membre de l’AFE. » La directrice du Centre Culturel du Lycée Français de New York passera le flambeau à Christopher Weissberg, conseiller chargé des élus des Francais de l’étranger auprès du ministre délégué Jean-Baptiste Lemoyne. Le Franco-Américain de 36 ans a déjà travaillé avec le député avant de rejoindre le gouvernement, les deux hommes se connaissent bien. « Christopher a créé le mouvement En Marche à Montréal et j’ai été son premier adhérent, en septembre 2016 », précise, non sans fierté, Roland Lescure. Christophe Weissberg est également propriétaire du Left Bank Café à Saranac Lake dans les Adirondacks, dans le Nord de New York. Un goût pour la cuisine que les deux hommes partagent.
C’est donc à priori en tête du peloton que Roland Lescure se lance pour un second mandat. Il avait été largement élu en 2017 avec 79,7 % des voix au second tour du scrutin face au Républicain Frédéric Lefebvre. De plus, en 5 ans, le macronisme s’est très peu effrité dans la circonscription – Emmanuel Macron a remporté plus de 90% des suffrages le mois dernier, 92% en 2017. Pour autant, Roland Lescure ne prend rien pour acquis et se dit prêt à débattre avec ses adversaires, « respectueux sur la forme, sans concession sur le fond ». Il en aura l’occasion lors du débat organisé par French Morning le jeudi 26 mai.