Comme tant d’autres secteurs, l’éducation a été totalement bouleversée par cette dernière année de pandémie. Mais pour Julien Barbier, fondateur de l’école de coding Holberton, la montée en puissance soudaine de l’enseignement à distance – et les failles des systèmes d’éducation traditionnelle dans ce domaine – ont été une formidable source d’opportunités. Holberton a décidé de pivoter son business model et de se transformer en « OS de l’éducation », une boîte à outils de ressources pour des universités, bootcamps et autres institutions éducatives, partout dans le monde. Pour ce faire, Holberton vient de boucler une levée de fonds série B de 20 millions de dollars. « Ce tour de table va nous permettre d’améliorer encore la qualité des contenus et leur automatisation, et de soutenir nos partenaires dans l’exploitation de ces ressources », explique Julien Barbier.
L’homme n’en est pas à sa première aventure entrepreneuriale. Il avait déjà fondé une entreprise dans l’e-commerce, pour laquelle il est partit en Floride pour développer le marché américain en 2012. Mais elle est rachetée au bout de quelques mois, et Julien Barbier en profite pour passer des vacances dans la Silicon Valley, la Mecque des développeurs. Il y retrouve un ancien collègue d’école d’ingénieurs, qui lui propose de venir prendre la direction du développement et du marketing de sa startup Docker. Il s’installe à San Francisco et en trois ans, l’entreprise accède au rang de licorne. C’est alors que Julien Barbier décide de reprendre son indépendance pour créer une nouvelle entreprise.
Aux côtés de deux cofondateurs il décide de repenser l’éducation, qui reste selon lui enfermée dans un système archaïque. Holberton, une école qui offre une formation accélérée au codage en 18 mois, est née. « Notre ambition est de fournir une éducation de qualité qui mène à des emplois pour tous. Elle est fondée sur trois piliers indispensables : l’accessibilité, la qualité et la ‘scalabilité’ ».
Sur le premier critère, l’école fonctionne sur un contrat ISA (Income Share Agreement) selon lequel l’étudiant ne paie rien pendant l’école, mais est prélevé sur ses revenus lorsqu’il est embauché à la sortie au-dessus d’un certain salaire. Elle a même conclu deux partenariats avec George Kaiser Foundation et Shusterman Foundation dans l’Oklahoma, qui offrent une enveloppe de 1.500 dollars par mois aux étudiants pour subvenir à leurs besoins. Par ailleurs, Holberton travaille avec des stars de la diversité, comme le chanteur Ne-Yo ou l’actrice Priyanka Chopra, pour encourager la diversité dans ses promotions.
Sur le deuxième, l’école met en avant la priorité placée sur l’esprit critique et le travail en équipe sur des projets, des qualités jugées indispensables pour la vie professionnelle aujourd’hui. Enfin, elle mise sur sa technologie propriétaire pour donner un feedback à la fois pointu et personnalisé à des milliers d’étudiants, bien plus rapidement qu’un professeur. « Nous changeons le modèle d’éducation : en principe, plus le nombre d’élèves est élevé, moins la qualité est bonne. Ici, c’est l’inverse, les étudiants sont connectés entre eux partout dans le monde et l’algorithme de feedback s’améliore avec le volume. Nos intérêts sont alignés ».
L’entrepreneur, qui était horrifié de voir le fardeau de la dette étudiante, soit 1.300 milliards de dollars aux États-Unis, veut rebattre les cartes face aux grandes universités, et se réjouit d’avoir placé des étudiants chez les plus grandes entreprises tech, Google, Airbnb, Facebook etc. Après la première école qui a ouvert à San Francisco en 2016, le groupe a rapidement essaimé et compte aujourd’hui 18 écoles sur tous les continents.
Mais avec ce pivot, le modèle des écoles en propre est désormais fini, l’entreprise va passer de modèle Saas (Software as a Service), avec une souscription mensuelle. « Nous sommes une boîte à outils pour nos partenaires, qui utilisent Holberton pour créer leur propre programme en marque blanche », détaille Julien Barbier. Il compte en particulier exporter cette façon d’apprendre en Amérique Latine et en Afrique, où les besoins sont immenses. Holberton va ainsi passer de 2.000 étudiants jusqu’à présent, à 10.000 cette année, et générer la majorité de ses revenus de cette nouvelle offre dès 2021. Un business model grâce auquel il peut encore décupler ses ambitions : l’objectif est aujourd’hui d’atteindre, via ses partenaires, 1 million d’étudiants dans le monde d’ici 2030.