C’est une situation personnelle et familiale dramatique que subit Jérôme Roux, un Français expatrié aux États-Unis depuis maintenant 15 ans. Devenu immigré illégal depuis quelques jours, il risque d’être expulsé du pays à tout moment et, craint-il, d’être séparé de son fils, né d’une gestation pour autrui (GPA) il y a seulement deux mois. Par ailleurs, il est aujourd’hui dans l’incapacité de transmettre sa nationalité française à son bébé.
Il existe, dans cette affaire, deux volets qui la rendent tout à fait inédite. D’une part, l’immigration américaine. Marié à un Américain en 2016, Jérôme Roux a obtenu sa green card et lors de son renouvellement deux ans plus tard, les problèmes ont commencé. Le couple a divorcé fin 2019 et les services américains de citoyenneté et d’immigration (USCIS) ont remis en cause la légalité initiale de son union en l’accusant d’un mariage blanc.
S’en est suivie une longue procédure. « J’ai envoyé pléthore de preuves légales et personnelles de cette relation ainsi que de multiples lettres notariées de personnes témoignant de la véracité de cette union, dont celle de la psychologue de couple qui nous a reçus pour tenter de sauver ce mariage », raconte-t-il. Une bataille juridique épuisante pour laquelle il a dédié ses ressources, tout en étant dans l’incapacité de travailler.
Green card confisquée
Mais rien n’y a fait. Après avoir appelé sans relâche les services d’immigration, Jérôme Roux est finalement convoqué en octobre 2020 au centre d’immigration de Los Angeles et se voit sommé de rendre sa green card en attendant la clôture de sa procédure. Depuis, il a eu un dernier rendez-vous avec l’USCIS en mars 2021 mais, malgré un dossier en béton, les services d’immigration n’ont pu que lui confirmer que son statut d’immigré deviendrait très probablement illégal d’ici à fin septembre.
« Je n’ai jamais eu d’explication ni de motif lors de la confiscation de ma green card en 2020. Pourtant, lors de mon dernier rendez-vous, l’agent m’a même dit qu’elle n’avait jamais vu autant de preuves de toute sa carrière mais que les officiers décisionnaires ont néanmoins l’intention de m’expulser, invoquant un mariage frauduleux », déplore Jérôme Roux.
Acculé, l’homme cherche conseil auprès de représentants légaux Pro Bono car il a épuisé ses ressources et juge qu’il s’agit là de pure discrimination. « L’administration Trump a donné des consignes et ordonné des quotas très stricts aux services d’immigration, assure le Français. La réduction de nouveaux visas et green cards ne suffisait plus, il leur fallait trouver des moyens de déporter des personnes présentes légalement aux États-Unis. J’estime être victime d’une mesure discriminatoire car je suis gay. » Et, pour le moment, l’arrivée d’une administration Biden, certes plus sensible aux questions d’immigration et de droits LGBTQ, n’a rien changé à son dossier.
Pas de papiers français pour son fils né par GPA
À cette situation périlleuse s’ajoute un aspect français, qui rend le cas de Jérôme Roux inextricable. Le jeune père doit passer par une demande de transcription de l’acte de naissance de son enfant Phoenix en France, pour obtenir un passeport français. Mais cela est désormais incertain. Car depuis le passage de la loi bioéthique début août en France, le sujet est revenu sur le devant de la scène. Si le législateur français a légalisé la PMA (Procréation médicalement assistée), la GPA reste une ligne rouge à ne pas franchir. La France vient même de faire une pause sur le sujet : le 9 septembre dernier, le procureur de la République de Nantes a ordonné la suspension des transcriptions de ces actes pour des enfants nés de gestation pour autrui à l’étranger.
Le sujet a pourtant déjà fait jurisprudence et la France a même été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour ne pas autoriser l’entrée, sur le sol français, des enfants dont le lien de filiation avec un père français était légalement établi par GPA (arrêt Mennesson c/ France de 2014). Depuis 2019, la Cour de cassation jugeait que le recours à la GPA ne justifiait pas, à lui seul, d’interdire la transcription d’un acte de naissance étranger dès lors que cela est autorisé dans le droit local. Et avait donné son feu vert.
Cette nouvelle décision signifie que Jérôme Roux ne peut faire reconnaître son enfant dans les registres d’état civil français et lui donner la nationalité française. Cette situation juridique française pourrait fort bien être à nouveau retoquée par la jurisprudence européenne.
En attendant, le jeune papa français est menacé d’être expulsé d’un pays dans lequel il a vécu légalement. « Cette situation a toujours un impact émotionnel, psychologique, financier et professionnel terrible sur ma vie. Je veux faire entendre ma voix aussi pour ne pas que d’autres personnes LGBTQ+ étrangères vivent cet enfer. »