Pour le commun des mortels, le saxophone évoque le blues et le jazz. Pour le chef d’orchestre français Jean-Pierre Schmitt et le saxophoniste Javier Oviedo, c’est bien plus que ça.
Ensemble, ils ont lancé le Classical Saxophone Project, une association qui a pour but de promouvoir les morceaux avec saxophone dans la musique classique. Et il y a fort à faire. “Demandez à quelqu’un dans la rue de nommer un saxophoniste classique, il ne saura pas quoi répondre. Un saxophoniste de jazz par contre…” , glisse Javier Oviedo.
Les deux virtuoses se sont rencontrés à la French-American School of Music, que M. Schmitt a dirigée et où M. Oviedo a enseigné le saxophone. Ils ont décidé de développer l’association à la fermeture de l’école en 2012. Avant de donner leurs premiers concerts, ils se sont plongés dans des manuscrits et autres archives de musique glanés en France et aux Etats-Unis à la découverte de ce répertoire méconnu.
“C’était superbe”
A Boston, ils ont mis la main sur des compositions de Claude Debussy et Florent Schmitt pour une riche bostonienne nommée Elise Hall, considérée comme la première saxophoniste classique américaine. “Ces morceaux n’avaient jamais été enregistrés. Aux premières répétitions, on se demandait ce que ça allait donner, se souvient Javier Oviedo, un amoureux du classique formé au saxophone à l’université du Texas à Austin. C’était superbe” .
“J’ai été très surpris de voir l’étendue du répertoire, qui remonte aux débuts du saxophone en 1846” , ajoute Jean-Pierre Schmitt. Pour un chef d’orchestre, le saxophone, c’est seulement le Boléro de Ravel ou ‘Le tableau d’une exposition’… Le reste n’est pas connu. ”
Le fameux répertoire comprend notamment “Tableaux de Provence” , composé par Paule Maurice pour saxophone et orchestre dans les années 40 et 50. Un hommage musical à la Provence dont Javier Oviedo joue ici un extrait:
Leur démarche ne va pas sans rappeler celle de William Christie. Le chef d’orchestre américain a fondé sa désormais célèbre formation musicale les Arts Florissants en 1979 avec l’ambition de faire découvrir la musique baroque au grand public.
Le Classical Saxophone Project (CSP) va clôturer le 11 juin une saison 2015 bien remplie avec un concert au Carnegie Hall. La précèdent concert, déjà au Weill Recital Hall du Carnegie, avait rassemblé sur scène Javier Oviedo, la jeune pianiste française Hélène Tysman et l’orchestre du CSP, dirigé par Jean-Pierre Schmitt.
L’association compte sur de tels concerts (et les donations d’individus et bientôt d’entreprises) pour lever des fonds. Ces derniers serviront à financer des commissions auprès de jeunes compositeurs. Dix travaux ont été commandités par CSP depuis sa création. “Le saxophone est un jeune instrument (…) Il ne survivra pas s’il n’a pas un répertoire étendu” , souligne Jean-Pierre Schmitt. CSP envisage aussi de monter un festival en Touraine l’an prochain. “Nous voulons construire un vrai staff” , poursuit le chef d’orchestre. En attendant, les amoureux du saxophone sont invités à prêter main forte.