La vue est saisissante. On pourrait s’imaginer sortir un pied de la fenêtre et chatouiller la cîme des arbres ocres de Central Park. C’est du 14 ème étage, de son salon, que Yannick Noah contemple «le poumon de la ville». Assis sur son canapé blanc, Noah allume calmement une cigarette, picore quelques cacahuettes, un oeil distrait sur l’écran plasma collé au mur qui diffuse un match de foot anglais, l’autre pour constater que son petit dernier Joalukas sort de la sieste, les cheveux blonds en bataille, l’air encore endormi.
Yannick Noah va quitter New York. Isabelle, sa femme, a la date en tête. Le 17 Juin marquera la fin de l’année scolaire des enfants au Lycée Français. Tous feront alors leur valise pour atterrir dans les Yvelines, où Yannick possède une maison en pleine campagne. New York-Feucherolles ! Choc des cultures ! « Ca va leur faire tout drôle c’est sûr, eux n’ont pas envie de partir. Moi je suis prêt même si ça m’embête un peu de laisser les grands ici aux Etats-Unis, Yelena à New York où elle fait ses études et Joakim à Chicago. J’aime bien voir mes gosses ensemble, c’est ma priorité en fait. On va continuer à se voir, mais ce sera plus éparpillé. Et je vais devoir me lever à 4 heures du mat pour regarder Jo jouer au basket » !
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Yannick devait déjà partir l’an dernier mais il a prolongé son séjour new yorkais. Pour ses enfants. Elyjah (13 ans) et Jénayé (12 ans) adorent cette vie. Lui aussi. L’anonymat. Les milk-shakes pris sur les marches d’un brownstone à regarder les autres passer. Conduire les petits à l’école en survêtement. Flâner. Aller au concert. Déjeuner le midi avec ses potes. Dans un éclat de rire, il avoue, sans complexe : « C’est terminé les vacances ! ». Il est ici le papa poule attendri, le chef de tribu incognito qui veille sur les siens. Ses enfants ont 3 mamans différentes. Lui incarne le socle malgré sa vie d’artiste.
“Ici, je suis spectateur de la vie, de la ville” dit-il d’une voix basse. « Les gens ont la patate, c’est une ville stimulante et je mène une vie simple ».
Dans l’appartement qu’il a acheté il y a 10 ans à New York, à côté de Columbus Circle, la déco orangée d’Halloween est encore accrochée aux fenêtres . On remarque aussi une toile noire et blanche de l’artiste new yorkais Michael S. Elle représente un Capitole entouré de citations. Le ton est très anti-Bush. En haut à droite une date : 18 mai 2008. « Je l’ai acheté parce que le 18 Mai c’est mon anniversaire ! ». La vraie raison n’est pas là. La toile évoque surtout le racisme. Et ce pays qui change. Yannick Noah confie qu’il a vécu l’un des plus beaux moments de sa vie le 4 Novembre de l’an dernier avec la victoire de Barack Obama. «J’aimerai raconter cette histoire en musique mais ce n’est pas facile car tout le monde l’a vécue de façon différente. Je ne sais pas si ce sera une chanson pour moi, pour le souvenir ou à partager». Et d’ajouter très admiratif: “Ce mec a quand même eu le pouvoir incroyable de redonner le moral à toute la planète, tout simplement ! Et le moral c’est important surtout par les temps qui courent !” La « saga Obama » fera donc peut-être partie de son nouvel album. Noah travaille avec son futur gendre (il ne sait pas trop comment l’appeler ! Gendre ? Pote ? Petit ami de ma fille ? ). Ils se retrouvent régulièrement à Brooklyn dans un petit studio aménagé. L’album devrait avoir une tonalité assez funk.
Il ne faut pas croire que Noah a fui la France. Il voulait tout simplement « recharger ses batteries » pour donner le meilleur de lui même, à son retour. On sent qu’il a réfléchi à la popularité, aux limites à poser pour conserver son intimité. Noah est d’une nature généreuse. Mais il peut aussi se refermer sur lui-même s’il ne se sent pas épanoui dans son mode de vie. «Ce n’est pas forcément sain tous les jours d’être toujours caressé dans le sens du poil. C’est pas facile de se remettre en question avec autant d’amour parce que c’est souvent ça, ce sont des choses très belles, mais j’ai besoin d’être au niveau, sans forcément être l’acteur, être « Yannick Noah ». Pour cela j’ai besoin de me ressourcer… Voilà maintenant je suis prêt ! »
Noah n’a jamais coupé les liens avec la France. Il y revient souvent pour les vacances scolaires, pour voir sa maman, gérer ses associations, taper la balle dans quelques matchs d’exhibition, récemment contre Borg, Wilander et Edberg. Avant de partir pour une séance photo à Times Square, le chanteur aux dreadlocks légèrement grisonantes, ouvre son ordinateur portable connecté sur les informations françaises. Le titre évoque le débat sur l’identité nationale. Il fait la grimace. “Où est le débat ?” se demande-t-il. «Tant que l’on acceptera pas que l’on vit dans une France multiculturelle… » A-t-il-peur de retrouver la France de Sarkozy après avoir vécu dans celle d’Obama ? A la question, Noah répond d’abord par un petit soupir nerveux. (ouh la ! ) Sa phrase («si Sarkozy gagne je me casse») le poursuit. Il revendique son opposition au pouvoir actuel. «Peur ça n’est pas le mot, j’avais peur avant l’élection et maintenant je ne suis pas surpris, je reste déçu forcément ».
Dans la cuisine décorée comme un diner américain avec table en bois luisant et banquette latérales , Vincence et Catherine les 2 attachées de presse de l’artiste , venues de Paris , sablent le champagne en compagnie d’Isabelle. L’accueil est chaleureux. Amical. La conversation fluide. Yannick Noah n’est pas encore parti mais il travaille déjà à son retour ! Ce sera pour une grande fête. Un méga concert. Par la grande porte. 100 000 personnes attendues au Stade de France, le 25 Septembre pour une date unique !
Par ordinateur, il échange des plans, des maquettes pour imaginer une scène centrale. « Je veux pouvoir toucher tout le monde, être près des gens. Je veux pouvoir bouger. C’est moi qui aurai les clefs du stade de soir là, je voudrais que cela soit une très belle fête ».
Et puis il y aura ensuite les copains, la tournée, les routes de France. Le plaisir de chanter. De vivre ce « rêve qui continue, ce métier de privilégié ». Noah redeviendra alors le personnage public, l’homme le plus aimé des français au milieu des français. Le bon pote, regardé, scruté, parfois épié. Avant sans doute de se poser à nouveau à NY. Comme il y a 2 ans. Comme après sa victoire à Roland Garros. Chez cet homme si attachant -qui fêtera aussi cette année ses 50 ans- les départs sont toujours suivis de retours gagnants…
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