Les Français aisés résidant à l’étranger peuvent souffler, ils ne seront pas soumis à l’impôt hexagonal l’an prochain. L’amendement au projet de budget 2011 déposé par le président PS de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Jérôme Cahuzac, a été rejeté vendredi par le gouvernement en séance plénière (voir le compte-rendu des débats ici), après avoir subi le même sort quelques jours plus tôt en commission.
Malgré ce revers prévisible, l’objectif reste atteint pour Mr. Cahuzac dont la proposition a provoqué un vif débat en France et à l’étranger: « Il faut que le débat (sur l’imposition des Français de l’étranger, ndlr) ait lieu et cet amendement n’avait que cet objet, précise-t-il à French Morning. Tous les députés, de la majorité ou de l’opposition, qui se sont exprimés ont indiqué ne pas avoir d’hostilité de principe à une telle disposition, et tous ont bien conscience des grandes difficultés techniques qu’il faudrait surmonter.»
La proposition d’un impôt sur les Français résidant à l’étranger n’est pas nouvelle. En 2007, Dominique Strauss-Kahn, alors candidat à la candidature à l’Elysée l’avait inclus dans son programme. Présenté début octobre, l’« amendement Cahuzac » prévoyait que les Français vivant à l’étranger et percevant plus de 200.000 euros de revenus annuels devaient acquitter une « contribution de solidarité nationale» de 5%, dès lors que leur expatriation leur permettait de payer moins d’impôts qu’en France. Les Etats-Unis disposent d’un système similaire. Les 335.000 citoyens américains travaillant à l’étranger (37 milliards de dollars de revenus, dont 20 milliards taxables) ont rapporté à Washington environ 5 milliards de dollars d’impôts supplémentaires en 2006, soit 0,5% de l’impôt sur le revenu.
« Nos compatriotes expatriés vont élire des députés qui voteront le consentement à l’impôt et l’impôt lui-même. Certes, il est exclu de leur dénier ce droit puisqu’ils seront, comme les autres, des députés de la Nation. Mais ils voteront un impôt sur le revenu que leurs électeurs n’acquittent pas en France et qui, bien souvent, est inférieur là où ils vivent et travaillent qu’au sein de nos frontières, argumente-t-il. Il me semble que cela mérite que l’on en parle d’autant que des efforts difficiles vont être demandés aux Français et qu’il serait peut-être normal que tous soient sollicités. »
Dans le Nord-Est des Etats-Unis, où se tenaient dimanche des élections partielles pour l’Assemblée des Français de l’Etranger (AFE), la proposition du socialiste a suscité de vives critiques. Les listes en compétition, y compris celle de gauche, ont condamné l’initiative parlant pêle-mêle de « méconnaissance exaspérante de la mobilité internationale », d’une proposition qui « semble dresser les Français les un contre les autres » et susceptible de « radicaliser l’opinion des Français de l’Hexagone contre ‘ces expatriés qui sont une charge pour la France’ ».
L’amendement avait peu de chances de passer. La secrétaire d’État au Commerce extérieur, Anne-Marie Idrac avait souligné dès la semaine dernière devant le Sénat que « le gouvernement n’était pas favorable à une évolution de la règle de territorialité » de l’impôt, qui implique que les Français à l’étranger soient uniquement imposés dans leur pays d’accueil. En outre, la mesure de Mr. Cahuzac ne se serait appliquée qu’à un petit nombre de pays avec lesquels la France n’a pas de conventions fiscales, a-t-elle précisé pendant une séance de questions au gouvernement.
Qu’importe, Mr. Cahuzac, ragaillardi par le soutien de certains membres de la majorité comme le président centriste de la commission des finances Jean Arthuis, veut aller plus loin. « Tous les parlementaires sont convenus qu’un groupe de travail s’imposait, souligne-t-il, et j’espère qu’il pourra se constituer ».
AB