De lui, on se souvient de sa silhouette souple, fluette. Un Pierrot lunaire au visage blanchi, des virgules noires à la place des sourcils, une marinière et un chapeau surmonté d’une fleur rose. Le mime Marceau, disparu en 2007 à 84 ans, aurait fêté ses 100 ans cette année. Pour commémorer celui que l’on surnommait le « Prince du silence », le National Arts Club lui consacre une exposition jusqu’au vendredi 28 avril dans le cadre de la réédition du livre Marcel Marceau : maître du mime aux éditions Optimum Limitée, un ouvrage capturant l’intime, la vie, la carrière et la famille du Mime à travers le regard de son ami, le photographe star du magazine Time, Ben Martin, lui aussi disparu. La dramaturge Anne Sicco, veuve de l’artiste, se rendra exceptionnellement à New York pour assister au vernissage le 20 mars prochain. « C’est un bond dans le temps. Je vais découvrir cette exposition en même temps que le public, ça va être très émouvant. Ce centenaire remue beaucoup de choses. Marcel Marceau, c’est le génie connu dans le monde entier, mais il y a aussi le compagnon et le père. »
Kathryn Leigh Scott, la veuve du photographe et à l’origine de ce proje, en raconte sa genèse. « J’ai voulu rééditer le livre en hommage à ces grands artistes qu’étaient Ben Martin et le mime. C’est aussi une manière de faire découvrir le travail du grand mime aux nouvelles générations peu familières avec la tradition séculaire de la pantomime. »
L’exposition s’organise autour d’une quarantaine de clichés issus de ce livre, des tirages d’époque, déjà exposés à travers le monde au début des années 80. « Ces photos parlent d’une époque révolue, elles en sont le témoignage direct. Elles sont très émouvantes tant par leur côté patiné par le temps que par ce qu’elles racontent, estime Robert Pledge, ami proche et autre curateur de l’exposition qui signe la postface du bouquin. J’ai toujours pensé que le mime et la photographie étaient des arts analogues. On dit beaucoup de choses avec des images comme on dit beaucoup de choses avec des gestes. Sans son. »
Ce que ces photos racontent ? L’histoire d’un enfant de la guerre. Réfugié à Limoges pendant la Seconde Guerre mondiale, Marcel Mangel de son vrai nom entre dans la Résistance avec son grand frère Alain et apprend à se taire face à l’ennemi. « Mon goût du silence est peut-être venu de là », confia un jour celui dont le père fut déporté à Auschwitz. Après la guerre, il étudie l’art dramatique et le mime à Paris où, en 1959, il fonde sa propre école de pantomime. Le succès est immédiat. Et international. Au Japon, en Chine, au Chili et aux États-Unis, il promène à travers le monde le personnage de Bip qui l’a rendu célèbre.
Paradoxalement, ce n’est pas dans son pays que celui qui se surnommait le « Français le plus connu au monde avec le commandant Cousteau » trouve la reconnaissance. « Son premier triomphe avec la compagnie, c’est à New York ! La France ne s’intéresse à lui qu’à son retour des États-Unis, se souvient Anne Sicco, sa veuve. Il adorait cette ville, il y avait quelque chose de mythique de réussir ici à la suite de grands artistes. Le petit Strasbourgeois qui monte à Paris et qui fait sa place aux États-Unis. À l’époque c’était incroyable. »
50 ans après ses premiers pas à Broadway, cet orfèvre du geste qui avait inspiré à Michael Jackson son fameux Moonwalk se dévoile à travers des clichés émouvants, drôles et intimes qui nous rappellent que le Mime Marceau n’était pas que le clown poétique que l’on connaissait mais certainement le dernier génie de l’Art du silence.
Marcel Marceau-Master of Mime » au National Arts Club, 15 Gramercy Park South, New York, jusqu’au 28 avril, entrée gratuite.
Autobiographie, Histoire de ma vie, à paraitre le 5 avril chez Actes Sud