S’expatrier peut vous pousser à réorienter votre carrière. Face à la pause de l’industrie hollywoodienne et au manque d’équivalence des diplômes outre-Atlantique, Raphaëlle Dufosset et Barbara Mahler Delouye ont décidé, en pleine pandémie, de se retrousser les manches et d’ouvrir leur boutique familiale Petit Parisien à Magnolia Park, à Burbank. Un quartier animé, peuplé d’antiquaires et de cafés, où les deux Françaises et leurs familles ont élu domicile. De quoi rappeler les virées shopping dans les rues parisiennes.
“Nous y partageons ce que nous aimons de la France avec les Californiens, que ce soit pour les enfants avec des jeux éducatifs et des livres, mais aussi pour les adultes, pour que tout le monde puisse se faire plaisir”, résume Raphaëlle Dufosset, une maman de 36 ans.
Dans leur boutique colorée de 50m2, inaugurée le 28 novembre, on trouve ainsi du savon de Marseille, des vêtements pour enfants Carrément beau, de la céramique Emile Henry, des confitures Alain Milliat, des jeux en bois Jeujura, des boîtes en chêne Atomic Soda, des tableaux à colorier Omy ou encore de la maroquinerie Nat & Nin, soit une vingtaine de marques françaises. “Nous travaillons depuis peu avec des artisans français installés en Californie, comme la couturière De Paris à L.A.”, ajoute Barbara Mahler Delouye qui vient de célébrer ses 31 ans. Une gamme de produits qui va de 5 dollars le pin’s à 205 dollars pour un sac à main.
Pour leurs débuts, elles ont sélectionné des produits et des marques dont elles étaient nostalgiques, en faisant attention à ce que le coût ne soit pas exorbitant. Ainsi, ces fans de lecture n’ont pas lésiné sur la sélection de livres sonores pour enfants ou de cuisine pour adultes. Les deux entrepreneuses prévoient d’étoffer leur offre en fonction des retours des clients et de la place dans leur stock.
Une idée “en rigolant” devenue réalité
Car elles démarrent dans le milieu. Les deux Françaises ont suivi leurs maris respectifs qui travaillent dans la restauration de films anciens. Raphaëlle Duffosset, qui évoluait comme coloriste pour des productions de cinéma, a été stoppée dans son élan professionnel par la crise sanitaire et le manque d’opportunités à Hollywood. De son côté, Barbara Mahler Delouye, qui travaillait avec le Samu Social à Paris, a pris du temps pour s’occuper de son nouveau-né. Quand il a été question de retrouver un travail, elle s’est posée la question de reprendre une formation pour continuer à exercer en tant qu’éducatrice spécialisée. Mais le coût d’un retour à l’université (pour obtenir une équivalence) l’a obligé à abandonner cette possibilité.
C’est alors que Raphaëlle Dufosset a suggéré l’idée d’ouvrir une boutique pour enfants “en rigolant”. Un projet qui a tout de suite fait sens pour Barbara Mahler Delouye, qui regrettait l’absence de boutique de type Monoprix dans leur quartier familial. Un local de taille raisonnable est rapidement déniché près de chez elles, les travaux sont réalisés par les deux familles et les restrictions concernant les commerces sont levées. Seul problème : sans credit score, ni expérience dans le domaine, elles se voient refuser un prêt et doivent se lancer sur fonds propres. Mais cela ne les a pas arrêtées.
Ensemble, elles découvrent les affres de la vente et de l’export. “Nous essayons d’avoir des marques qui ont des vendeurs aux Etats-Unis pour faciliter l’exportation”, explique Raphaëlle Dufosset. Ainsi, elles ont été éconduites par Mariage Frères qui réclamait un minimum de 5.000 euros de commande. “Nous ne pouvions pas accueillir un tel stock”, complète Barbara Mahler Delouye, qui a également été surprise par les délais de livraison concernant les commandes de textile.
Des débuts dans le métier qui ont tout de même été payants, le mois de décembre ayant été prometteur. “Les livres et notre jeu d’échec Vilac ont été particulièrement plébiscités”, rappelle l’ancienne coloriste. Beaucoup de francophiles sont devenus des fidèles et les résidents du quartier ont adopté ce commerce de proximité, passant pour saluer les Françaises et les interroger sur les nouveautés.
Même si les Normandes ne peuvent pas encore se payer un salaire, elles ne s’en plaignent pas. “C’est mieux que rester à la maison à attendre que la Covid-19 passe”, s’amuse à dire Barbara Mahler Delouye. Et elles espèrent que la vaccination va s’accélérer pour pouvoir développer les activités de la boutique. “La fréquentation dépend des annonces du gouverneur, de la météo, mais aussi du stimulus. Ca devrait aller en s’améliorant”, espère Raphaëlle Dufosset. Elles aimeraient dans le futur organiser des discussions sur la parentalité, des ateliers de tricot ou encore des lectures en français. Bref, donner vie à ce commerce de proximité, en utilisant leurs expériences professionnelles.