Il est rond, craquant, hyper photogénique et déplace les foules à chacune de ses sorties… Lui, c’est le Suprême (prononcez « Supraime » à la française !), une pâtisserie qui balance entre croissant pour son côté feuilleté beurré dehors et éclair pour sa garniture crémeuse dedans. Autrement dénommé New York Roll depuis que son succès a dépassé les frontières de l’État, ce nouvel hybride made in USA n’est pas sans nous rappeler un autre succès (très) sucré créé ici il y a tout juste 10 ans. Le fameux Cronut du Français Dominique Ansel, contraction de donut et croissant. Même forme circulaire, même viralité, et même côté innovant dans la recette, il n’en fallait pas plus pour se demander si ces deux-là pourraient cohabiter au pays des spécialités culinaires hypercaloriques. Mais ces cousins de boulange sont-ils vraiment comparables ?
La recette d’abord. Si ces deux viennoiseries hybrides cassent les codes de la discipline, force est de constater que les techniques employées sont quelque peu différentes. Frit dans de l’huile de pépins de raisin, le Cronut est un croissant rond roulé dans du sucre d’érable puis fourré de crème. Côté Suprême ou New York Roll, « la pâte à croissant est roulée sur elle-même, cuite au four dans des moules, refroidie puis fourrée, soit avec une crème pâtissière pour la recette pistache, soit avec un crémeux chocolat pour la version cacaotée », explique Scott Cioe, chef pâtissier à Lafayette Grand Café & Bakery et inventeur de cette gourmandise.
Ce qui a lancé le Suprême dans la cour des grands ? Les réseaux sociaux sans aucun doute. A l’ère de la food 2.0, le croissant circulaire est roi. « C’est une vidéo Tik Tok qui a déclenché toute cette frénésie et c’est comme ça aussi que j’en ai entendu parler la première fois au printemps 2022 quelques jours après son lancement, témoigne Jérémy Jacobowitz, food influenceur (460k followers sur Instagram) qui avoue avoir lui aussi participé à ce bouche-à-oreille sur la toile. Et d’ajouter « Mais l’engouement ne peut pas se limiter à son côté instagrammable. Ça marche car c’est bon ! ». Un point sur lequel insiste aussi son inventeur. « Je n’ai jamais eu l’ambition de créer un produit viral. Je suis aussi surpris que vous par le phénomène. Ce que j’avais en tête, c’était un produit disruptif, qui sorte du lot par son look, son côté fun et sa gourmandise. Je suis fier de constater que les gens reviennent goûter nos nouvelles saveurs tous les mois », analyse Scott Cioe.
Chaque jour, avec son équipe, il confectionne 360 de ces viennoiseries dont la vente est répartie en trois créneaux : 8am, midi et 4pm. Chaque jour, la foule se presse devant la vitrine une heure avant leur mise en vente. Et chaque jour, les trois fournées affichent sold-out en quelques minutes. Face à ce succès, le nombre de Suprême est limité à une unité par personne. Du côté de Spring Street chez Dominique Ansel, les curieux sont un peu moins nombreux et ont, eux, le droit de repartir avec deux Cronuts chacun, mais il y a toujours la queue devant la boutique. Et ça fait plus de 10 ans que ça dure !
Qu’il se nomme New York Roll, Frappe Roll, Pop Roll, Croissant Suprême, qu’on le trouve à New York, Paris, Montréal ou même Sydney, la création de Scott Cioe créé un engouement sans précédent dans l’histoire de la pâtisserie moderne. Partout, il se vend comme des petits pains, les pâtissiers du monde entier tentant de créer leur version pour se faire remarquer. À l’image de Jean-François Bandet de la pâtisserie parisienne Bo&Mie. « Je suis le premier en France à avoir importé l’idée et c’est moi qui ai inventé le nom New York Roll en clin d’œil à la création de Lafayette Bakery. J’ai vite compris que la tendance allait prendre ici aussi. C’est le produit parfait : photogénique et ultra-gourmand ». Son croissant spirale déclenche lui aussi des milliers de témoignages passionnés sur les réseaux sociaux de son établissement.
Même les groupes agro-alimentaires veulent leur part du gâteau. Ainsi, en France, Bridor, leader dans la fabrication de produits de boulangerie surgelés premium, a lancé sa version à destination des professionnels. Et c’est là la grande différence avec le Cronut de Dominique Ansel qui ne s’est pas exporté. « Le Suprême est juste le cousin plus cool et branché » conclut Jérémy Jacobowitz. Mais New York est bien assez vaste pour accueillir les amateurs de ces deux pâtisseries inspirées par le savoir-faire français.
Lafayette Bakery, 380 Lafayette St, New York, lafayetteny.com
Dominique Ansel Bakery, 189 Spring St, New York, dominiqueanselny.com
Bo&Mie, 4 adresses à Paris, 1 à Barcelone, boetmie.com