Près d’un tiers des restaurants de Californie ont fermé définitivement, annonçait un comité législatif en mai dernier. L’hécatombe s’est poursuivie, les règles sanitaires continuant de fragmenter les revenus des restaurateurs. « 40 % des petits commerces ont fermé à Los Angeles », appuie Vincent Sarmarco, propriétaire du feu Belle Vie. Et les Français n’ont pas été épargnés.
La fermeture a notamment touché des noms célèbres de la scène culinaire française à Los Angeles. Ludo Lefebvre, le chef tatoué adoré par les médias américains, a dû mettre la clef sous la porte de son gastronomique, Trois Mec, en juillet 2020. La faute aux règles sanitaires notamment. L’associée et femme du chef, Kissy Lefebvre, expliquait dans un communiqué qu’« il est impossible pour un restaurant avec quatre tables de survivre à cette pandémie. Le coût d’investissement pour construire un espace extérieur approprié, dans un centre commercial, ne peut tout simplement pas être justifié. »
Touché lui aussi de plein fouet, le chef pâtissier Dominique Ansel a dû se résoudre, après la fermeture de ses deux adresses à Londres, à baisser le rideau de son adresse phare de L.A., 189 by Dominique Ansel, un espace situé au Grove et qui, outre une boulangerie, comptait un brunch bondé. « Nous avons rejoint la liste des victimes du Covid. La fermeture a été un choix difficile dû aux mesures gouvernementales prises lors de l’explosion de la crise sanitaire », expliquait, il y a quelques semaines, le chef sur son compte Instagram.
À court de trésorerie
Des mesures qui ont aussi eu la tête d’établissements de taille plus modeste, comme La Dijonnaise à Culver City ou Belle Vie à Brentwood, fermé le 21 décembre 2020. « J’ai tout adapté, créer une terrasse, une cave à vin, des menus spéciaux à emporter. Mais le problème restait que le restau, qui doit être plein quotidiennement, ne l’était qu’un jour par semaine », explique Vincent Samarco, qui précise s’être retrouvé à court de trésorerie, devant céder au dépôt de bilan. « Quand ils ont autorisé l’ouverture en intérieur, dit-il, il était trop tard pour moi ».
Nathalie Dahan, qui possédait Coco Queen, une rôtisserie à West Hollywood jusqu’en novembre 2020, assure aussi avoir « dépensé une fortune » pour s’adapter aux règles sanitaires. « J’ai même fait de la publicité, bref tout pour que Coco Queen survive mais cela n’a pas suffit. J’ai ouvert six mois avant le Covid, au pire des moments. » Pour elle, les clients n’avaient plus envie de sortir, d’aller au restaurant.
Présente à L.A avec trois établissements, l’enseigne La Tropézienne Bakery n’a pas non plus résister à la vague Covid. « Les fermetures de West Hollywood et de Downtown étaient nécessaires pour survivre, explique le propriétaire Jonathan Khalifa, et nous avons préféré nous couper deux doigts plutôt que de tout fermer », la Tropézienne conservant son adresse phare de La Bréa.
Un PPP insuffisant
Outre les mesures, l’ex-propriétaire de Belle Vie pointe l’incompatibilité des menus français avec la livraison ou le take out. « La plupart des restaurants qui ont survécu à la pandémie, c’est grâce aux burgers », dit-il. Un problème que n’a pas rencontré Nathalie Dahan : « On a fait à emporter, mais il faut faire beaucoup de volume pour gagner de l’argent. La restauration fait des marges sur la vente d’alcool, or on n’en avait pas », pointe-t-elle.
Face à ce manque à gagner, le programme PPP (Paycheck Protection Program, terminé le 31 mai 2021) est apparu faible. « Le problème n’est pas de me donner de l’argent, mais de me laisser exploiter mon espace », fustige Vincent Samarco qui a continué à payer ses employés à 100 % jusqu’au bout. Pour Nathalie Dahan, la somme était trop faible. « Ils m’ont donné des cacahuètes, de quoi tenir deux mois et demi avec mes 11.000 dollars de loyer mensuel et 15.000 dollars d’employés », vocifère celle qui a perdu 1,4 million d’euros.
Une autre difficulté a resserré l’étau sur les restaurateurs : la hausse du prix des matières premières en raison de la pénurie et des délais de livraison.
Rebondir après la fermeture
Nombre d’entre eux n’acceptent pas le K.O. technique et veulent remonter en scène. Ainsi, Vincent Samarco travaille sur un nouveau concept de restaurant : une pizzeria à Santa Monica pour l’été 2022. « C’est plus simple d’acheter de la farine et de la tomate que des St Jacques et du magret », plaide celui qui « s’adapte au marché, où pendant la pandémie, les ventes de pizzas ont augmenté de 30 % ». Il cherche actuellement des fonds et des investisseurs.
D’autres, à l’instar de Jonathan Khalifa de la Tropézienne Bakery, ont multiplié les rencontres et monté de nouveaux projets. « Je persiste et vient de signer un partenariat heureux qui va nous permettre d’occuper les locaux d’une ancienne chaîne de boulangerie russe et de nous installer à la fois au Farmers Market, à Santa Monica et à l’aéroport LAX ». Un autre projet est même prévu dans un hôtel de Las Vegas en 2022.
De son côté, Nathalie Dahan mise sur un projet télé. « Je ne réinvestirai pas mon argent dans un restaurant. Par contre, si je trouve des investisseurs intéressés par l’idée de Coco Queen, pourquoi pas ! »
Co-écrit avec Alexis Chenu
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