Rendez-vous dans le Hall des origines humaines ! J’adore ce nom : « Hall of human origins ». Nos ancêtres n’arriveront pas avant le samedi 10 février au American Museum of Natural History. Ils ont pris le temps d’arriver. Ils sont vieux de six à sept millions d’années et il a fallu pas moins de deux disciplines scientifiques, la génétique et la paléontologie, pour établir leur indéniable réalité. Leurs preuves respectives se renforcent l’une l’autre. Mais les religions révélées ont du mal avec l’évidence. Spécialement la branche idéologique du christianisme, autobaptisée « Intelligent Design » . La nouvelle exposition permanente répondra, avec ses moyens scientifiques, aux questions transcendantales : “Qui sommes-nous ?”; “D’où venons-nous ?” et aussi “Qu’est ce qui nous attend ?” …peut-être cela nous permettra-t-il de moins patauger dans les informations et connaissances 2007.
J’ai improvisé le rendez-vous dans ce muséee qu’il adore, avec mon gamin de dix ans. Il venait de me raconter, goguenard, l’odyssée de l’astronaute Novak qui, par passion amoureuse, avait parcouru 1000 miles d’une traite, entre le Texas et la Floride, munie de couches-culottes. Elle ne voulait pas s’arréter avant l’aéroport d’Orlando où elle devait kidnapper sa rivale. Elle était amoureuse du même homme qu’elle, un pilote de navette spatiale tout juste divorcé. Comment faire respecter la science aux gamins, quand les surhommes de la NASA se comportent comme de vils mortels ? L’histoire avait atterri sur sa chaîne spécialisée dans le sport. A quel titre ? Nasa, pilotage d’essais, course d’endurance …
L’air du temps est une gadoue (inondations de Djakarta ; affrontements interpalestiniens ; déclarations de Chirac sur le nucléaire iranien ; blocage du sénat américain sur la question irakienne …) et les grands froids balayent New York. J’ai l’impression de tracer des couloirs dans l’air glacé . Cela rabougrit mon imagination. Quand je passe devant la boutique de maillots de bain et de sous-vêtements au coin de la 8e et de University Place, j’ai encore plus froid. Nous nous retrouvons tout penauds dans l’ascenseur, emmitouflés comme des pingouins, déçus d’avoir pensé un jour que l’hiver n’était plus de saison. Nous sommes les « has been » du réchauffement global. Confusion météo.
Pour en rajouter au vide glaçant de l’air du temps, meurt tragiquement hier, Anna Nicole Smith, la plus célèbre des femmes célèbres …d’être célèbres ! Le présentateur du journal d’ABC, Charles Gibson, bredouille même que personne ne sait vraiment «pourquoi elle était si célèbre». Enfant pauvre, Playmate, danseuse … «La Marilyn trash des années 90» titre Libération …épouse d’un vieux milliardaire décédé après un mariage de 14 mois, animatrice de reality show, habituée des tribunaux américains …cela nous fait tous ricaner de célébrer ce vide pulpeux qui disparaît après 39 années d’existence. L’individu ne nous intéresse guère. La légende de Marilyn Monroe était, elle, du moins, basée sur un inimitable talent. Ici , nous contemplons le vertige d’une vie dérisoire dont les télés ont rempli nos écrans. Ce vertige consomme notre temps, sans égard pour d’autres vérités, ou d’autres vraissemblances. Entertainment oblige. Séquence du perpétuel spectateur. Les 15 minutes de célébrité, citées par Andy Warhol sont là devenues une vie. Une vie photogénique. Laissant dans son sillage un fils de 20 ans, récemment suicidé, et un nouveau-né, source de procés en paternité.
Il devrait faire peur le cas Anna Nicole Smith (nom de scène). Notre société sans vision, shootée aux mensonges publicitaires et politiques, n’est-elle pas devenue le dernier avatar de son Reality Show ?
Pendant ce temps-là, la Pub toute-puissante, brise tabou après tabou, nous dit un article en page Business du NYT (9 fev 07) suite au déferlement du Superbowl dimanche dernier. Les produits d’hygiène féminine, les préservatifs , les lubrifiants, etc. interpellent les consommateurs de manière de moins en moins discrète. Et cela marche. Chaque campagne scandaleuse voit la consommation des dits produits monter en flèche. L’article cite, entre autres exemples, le slogan de Clearblue Easy, un test de dépistage prénatal. L’image montre un objet futuriste sur lequel coule un liquide qui est clairement de l’urine. Une voix mâle déclame à ce moment-là : «Nous voilà avec l’objet technologique le plus sophistiqué sur lequel vous pourrez uriner !
»
Il n’est évidemment pas question, ni possible de revenir en arrière. Nous avons les fondamentalistes de tous poils pour préconiser le rétropédalage. Mais raison garder n’est pas l’ option la plus évidente, lorsque tout vous pousse à vous enrichir au plus vite, et qu’ être célèb’ devient la réponse la plus commune à la question « qu’est-ce que tu veux être plus tard ? » posée à un collégien .
Sur notre chère et francophone TV5 , crayon boiteux, le châtelain d’une forteresse du XIVème siècle, logée au fin fond du Massif central, énonce tranquillement :
« Les gens m’appellent « Marquis » pour des raisons de pérennité
». Ce terme de « pérennité » me laisse rêveur .
De ce côté-ci de l’atlantique cette pérennité coûte des millions de dollars et dure le temps d’un spot publicitaire !
Bye
PS : « Google » viendrait du « Finnegan`s wake » de Joyce … «googling lovvey»…dans le sens de «zyeuter» …allons googler. «Hall of human origins .com» , histoire de regarder le reality show des bactéries originelles. Allez savoir, elles nous diront peut-être l’avenir .