Cela peut sembler surfait ou trop banal aux yeux des Français, les Américains, eux, en raffolent. Les affiches publicitaires rétro, telle la plus connue, celle du Chat Noir, dessinée par Théophile Alexandre Steinlen, un ami de Toulouse-Lautrec, pionnier de l’illustration publicitaire à la fin du XIXe siècle, constituent le fond de commerce de Voila Vintage. Cette petite entreprise créée par un couple franco-américain qui, de Pasadena, vient de s’installer à Valencia (Californie), ne connait pas la crise, explique Jean-Luc Desreumaux, co-fondateur. « Notre chiffre d’affaires aurait simplement pu grimper plus vite, sans l’effet de la récession. Au lieu des 5 à 10% de hausse, on aurait pu miser sur 20% ». Voila Vintage (anciennement baptisé Francofolie) vend ses affiches aux Américains, aux hôtels, aux restaurants…
Mais pourquoi diable ces illustrations d’antan plaisent autant à un peuple jeune et peu enclin à regarder dans le rétroviseur ? Justement, note le Californien d’adoption originaire de Paris, l’une des raisons est «la nostalgie pour un temps que l’on n’a pas connu». Couvrant la période 1880-1950, ces affiches représentent des thèmes « bon-enfant », des images d’Epinal de la vieille Europe, comme les régions d’Italie ou les stations balnéaires du sud de la France. Les publicitaires s’y prennent alors autrement. «La période d’avant-guerre contraste avec le consumérisme actuel ; on cherche moins à créer un besoin à tout prix qu’à présenter son produit, et ce de manière artistique». Une ère un peu innocente – même si déjà, on n’hésite pas à vendre en montrant des femmes nues, tempère Desreumaux –, ère qui prend fin quand arrivent les requins du marketing, comme le montre la série Mad Men, au fil des années 1960.
Les «Jardins de Paris», «Megève», le «Champagne de France»… ces slogans balbutiants en forme de simples mots descriptifs vendent du rêve. «L’envie de voyage, l’attrait pour l’étranger, ou même un souvenir de voyage, c’est le deuxième facteur d’achat», estime Jean-Luc Desreumaux. Pas étonnant donc que sa clientèle soit plutôt éduquée et qu’elle se déniche parmi les férus de foires «art and wine». C’est lors de ce type d’évènements que le couple distribue ses impressions encadrées en vente directe (le reste se faisant principalement via leur site Internet). Manifestement, il existe un lien entre l’amour du vin et celui de ses affiches, croit Jean-Luc Desreumaux. Peut-être parce que beaucoup d’entre elles sont des réclames pour de l’alcool (Martini Bianco, Valpolicella, Guinness, etc.). Mais aussi car nait aux Etats-Unis une culture du vin, de la gastronomie, certes frêle encore, mais de plus en plus affirmée en Californie. Ainsi, Jean-Luc Desreumaux est fier de compter parmi ses clients le café Los Olivos, qui apparaît dans le road trip à travers la route des vins de la région de Santa Barbara, Sideways.
Dans son atelier, le couple fabrique les cadres et imprime ses dessins (qui viennent par exemple des archives du Musée de la publicité à Paris) à l’unité et en giclée, technique d’impression d’art à jet d’encre haute définition. Les prix, pouvant aller jusqu’à 600 dollars, reflètent cette évolution technique et la demande croissante pour de telles œuvres. «Elles ne sont plus seulement trendy, elles sont devenues des classiques», constate le sexagénaire, ravi.
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