Après deux mois de pause forcée, le comté de Miami-Dade est entré lundi 18 mai dans une première phase de déconfinement. Salons de coiffure, magasins de vêtements ou encore restaurants ont pu reprendre leur activité à l’exception des villes de Miami, Miami Beach, Hialeh et Miami Gardens où les commerces non alimentaires rouvrent ce mercredi 20 mai et où les restaurateurs devront encore patienter jusqu’au mercredi 27 mai pour accueillir leurs clients. Une réouverture progressive qui apporte son lot de défis et préoccupations.
Pour préparer la reprise des activités, les coiffeurs français Manuela Morançais et Stéphane Bragoni n’ont ménagé ni les efforts ni les ressources. « Nous avons investi beaucoup d’argent pour assurer notre sécurité et celle des clients en achetant notamment des masques, du gel hydroalcoolique, des visières, des peignoirs à usage unique ou encore en installant des plaques de plexiglas entre les bacs à shampoing », raconte la co-gérante de l’établissement Red Carpet Salon installé à Coral Gables. « Chaque poste est entièrement désinfecté entre chaque client, ce qui ralentit forcément la productivité, ajoute Stéphane Bragoni. Nous avons énormément de demandes, ce qui est très positif, mais avec un taux d’occupation limité à 25% nous devons nous adapter et les services de manucure, pédicure et maquillage ne sont plus proposés ». Les petits plaisirs comme la mise à disposition de magazines et le café offert aux clients ont également disparu pour un certain temps.
Outre la question de la mise à disposition du gel hydroalcoolique et de masques, le respect de la distanciation sociale est un véritable casse-tête pour certains professionnels. « Il est impossible d’être à deux mètres des clients afin de réaliser un soin de la peau », précise Julia Gabsi qui gère l’institut de beauté et bien-être SkinByChoice à Aventura. Ainsi, pour rassurer sa clientèle, la Française indique que les mesures sanitaires seront d’autant plus renforcées. « Ce n’est pas nouveau puisque dans notre secteur nous avons déjà de nombreuses règles d’hygiène à respecter comme désinfecter régulièrement nos appareils, insiste-t-elle. Je vais être encore plus vigilante et insister sur les gestes barrières en travaillant notamment avec un masque et des gants ».
Les clients seront-ils au rendez-vous?
Comme bien d’autres secteurs, les professionnels du prêt-à-porter tentent également de limiter le risque de contamination. « Les clients devront se désinfecter les mains à l’entrée du magasin pour pouvoir toucher les vêtements et des marquages au sol permettront d’éviter qu’ils se croisent. Quant aux articles essayés, ils ne seront pas remis en rayon avant 48 heures », souligne Elie Akiba, le propriétaire des concept stores Lulu Laboratorium à Wynwood et Design District. Confiant quant au respect des mesures sanitaires, le Français se dit plutôt inquiet pour sa trésorerie. « La réouverture ne signifie pas un retour à la vie d’avant. La grande inconnue est de savoir si les clients seront au rendez-vous et s’ils auront envie de consommer ». Un sentiment partagé par la fleuriste Véronique Touboul qui gère la boutique French Floral Designs à North Miami Beach. « Comme je travaille essentiellement avec les hôtels, les boutiques et les restaurants, il faut d’abord attendre que chacun puisse rouvrir et surtout savoir si en cette période ils ne feront pas l’impasse sur les commandes de fleurs au profit d’autres dépenses ».
Pour d’autres, la réouverture était très attendue. « Il est important de pouvoir relancer la machine et surtout de retrouver un peu de convivialité avec notre clientèle », raconte Corentin Finot, co-gérant de Café Crème à North Miami. Autorisé à ouvrir son établissement à 50% de sa capacité totale, comme tous les restaurateurs du comté, le Français a mis en place une organisation millimétrée. « Nous avons des thermomètres pour prendre la température de nos employés et chacun d’entre eux porte des gants ainsi qu’un masque, explique-t-il. Les tables, les chaises ou encore les toilettes sont désinfectées après chaque utilisation et les menus ont laissé place à des QR codes permettant aux clients d’accéder à la carte directement sur leur téléphone ».
Une myriade de mesures sanitaires également envisagées par Frédéric Joulin, le chef du restaurant Semilla à Miami Beach qui, même s’il est autorisé à rouvrir son établissement le mercredi 27 mai, préfère jouer la carte de la prudence. « J’envisage une ouverture plus tardive pour prendre le temps d’observer ce qui se fait ailleurs et éviter de reproduire les mêmes erreurs car la situation est inédite, indique-t-il. Je suis plus inquiet par la réouverture que par mon fonctionnement actuel car aujourd’hui avec la vente à emporter nous ne sommes que deux à travailler et les conditions sanitaires sont forcément plus faciles à respecter ».
De son côté, Brigitte Cavallero, qui est à la tête de la boulangerie-pâtisserie Maison Valentine à Miami Beach, veut repenser son modèle économique. « Rouvrir l’établissement en installant cinq tables au lieu de dix ne sera pas forcément rentable et surtout cela imposera de nombreuses contraintes », explique la Française qui mise dorénavant sur la vente à emporter. « Nous l’avons expérimentée durant la période de confinement, cela permet d’avoir moins de personnel, moins de vaisselle, et surtout d’appliquer plus facilement les mesures sanitaires ».
Enfin, pour certains, la réouverture n’aura tout simplement pas lieu. « La situation était déjà difficile avant le confinement et la crise sanitaire est venue l’aggraver », confie Vincent Grégoire, le gérant de Musart, une boutique d’objets et de produits dérivés de différentes œuvres d’art implantée au Brickell City Centre. « Ce n’est évidemment pas de gaieté de cœur que la décision a été prise mais le loyer ainsi que les charges devenaient ingérables ». Le Français souhaite désormais se consacrer uniquement à la vente en ligne. « Cela a bien fonctionné en période de confinement, je souhaite donc poursuivre sur cette dynamique, indique-t-il. Quoiqu’il en soit, nous devons tous faire preuve de patience afin de traverser cette période inédite ».