Les nombreux professionnels français du secteur artistique aux États-Unis se relevaient à peine du Covid, et voilà qu’une autre mauvaise nouvelle est venue frapper à la porte : celle de l’augmentation probable des coûts des visas d’artistes, que les services d’immigration américains aimeraient mettre en place avant la fin de l’année. « C’est simple, le coût des visas O et P devraient tripler, passant de 460 à 1615 dollars », résume Isabelle Marcus, entrepreneuse française à la tête de Columbus Consulting Group, une société d’accompagnement et de conseil en immigration.
La proposition émane du département de la Sécurité intérieure américaine, qui expliquait en février que « la pandémie a dramatiquement fait diminuer les demandes pour ce type de visas, résultant en une chute de revenu de 40% pour les services d’immigration, dont le financent est pourtant assuré par ses frais de visas ».
Les professionnels concernés sont nombreux puisqu’ils vont des artistes eux-mêmes, qu’ils soient musiciens, chanteurs, écrivains ou conférenciers, jusqu’aux entreprises qui font appel à eux comme les maisons de disques, promoteurs de soirée, organisateurs de festival et d’événements, etc… « Je suis impacté doublement puisque au-delà du Columbus Consulting Group, j’ai également fondé une agence de management pour artistes et French Talent USA, une structure qui fait la promotion des artistes français et francophones sur la côte Ouest des US, et sert également de sponsors pour eux », explique Isabelle Marcus. « Jusqu’ici, les coûts des visas étaient soit partagés, soit les artistes payaient eux-mêmes pour venir. Si les prix venaient à être multipliés par trois, on pourrait forcément en accueillir beaucoup moins. »
Michèle Amar est la fondatrice de France Rocks, une agence basée à New York spécialisée dans l’export et la promotion de la musique française aux États-Unis. Elle a fait venir les plus grands en concert ou en tournée américaine comme MC Solaar, IAM, David Guetta, Zaz ou le groupe Caravan Palace. « C’est une proposition inquiétante car ça risque d’impacter la diversité de la musique aux États-Unis, et pas seulement française ou européenne puisque cette mesure concernerait tous les artistes étrangers et les musiques du monde en général », estime l’entrepreneuse. Avant d’ajouter : « Et les labels seront hésitants à signer de nouveaux artistes si leur porte d’entrée aux US est fermée. »
Aux États-Unis aussi, certaines organisations culturelles font la grimace, à l’image du Pittsburgh Ballet Theatre, une troupe de danse locale qui compte sept danseurs étrangers. Avec l’augmentation des visas, la troupe devrait dépenser 8000 dollars en plus pour continuer à exister. « Cette hausse va durement frapper les organisations culturelles, elles qui courent déjà après le moindre dollar », peut-on lire dans la Pittsburgh Post-Gazette, un journal local.
Après avoir été soumise aux commentaires des professionnels du secteur, la proposition est désormais à l’étude avant une potentielle mise en application en novembre. « Je pense qu’il peut y avoir de nouveaux changements d’ici là. Je sais que de nombreuses pétitions circulent, et qu’il y a notamment une levée de boucliers de la part des associations américaines, des maisons de disques et de l’industrie musicale, qui ont tout de même de l’influence aux États-Unis », explique Michèle Amar.
« On a rarement vu des ajustements comme celui-ci ne pas être mis en application ensuite », estime quant à elle Isabelle Marcus, qui précise que les visas d’artistes ne sont pas les seuls dans le viseur de l’administration américaine. « Les services d’immigration revoient les prix des visas tous les deux ans. Dans leur dernière proposition qui date de janvier, on voit que les visas H-1B (employés qualifiés), L (intra-transférés) ou encore certains frais liés à la carte verte sont également concernés par une augmentation. Cela interroge sur la raison pour laquelle le gouvernement américain ne vient pas apporter d’aide financière au service d’immigration (USCIS) pour réguler ses frais et moderniser le service, au lieu de faire subir cette augmentation de coûts substantiels aux demandeurs de visa et à leur sponsors. Ces décisions sont peut-être politiques : y aurait-il une volonté de poursuivre le protectionnisme initié sous l’administration Trump ? », s’interroge Isabelle Marcus.