Andreï Filipov (joué par Alexeï Guskov), la petite cinquantaine, passe ses journées à lessiver les sols du Bolchoi de Moscou, le célèbre mais décrépit théâtre russe. Sous son humble habit d’homme de ménage, qui soupçonnerait que se cache un illustre chef d’orchestre des années 80, avant que le soviétisme ne le compte parmi ses nombreuses victimes? Filipov, estampillé ennemi du peuple, a vu sa carrière brisée un soir de première, sur ordre du Parti. En plein milieu du concerto pour violon de Tchaikovski, le concert de sa vie. Lorsqu’un jour, affairé à astiquer le bureau du grand patron, il intercepte un fax du Théâtre du Châtelet invitant la troupe à se produire à Paris, Filipov décide aussitôt de reformer son ancien orchestre et de partir pour la “ville lumière”, à la place du vrai Bolchoi.
Le point de départ du Concert de Mihaileanu est donc une farce, une grosse farce aux rouages peu subtils. Tous les ingrédients sont ainsi réunis pour tour à tour faire rire et pleurer : destin brisé, clichés sur les Russes imbibés de vodka, sur l’intelligentsia française avec le très drôle et précieux François Berléand et puis la musique qui réconcilie tout le monde, même l’ancien opposant politique et l’ex-cadre du Parti.
Mais ça fonctionne. L’histoire gagne peu à peu en profondeur et l’on se coule aisément et en douceur dans ce bain de musique, de joie et de mélancolie. On adhère même à cette idée discutable d’”âme slave”, fougueuse et libre. Tandis que l’humour, présent tout au long du film, est le pilier principal de l’intrigue. On pense ainsi aux gitans qui confectionnent de faux passeports pour la troupe russe à même le sol de l’aéroport, à la tête déconfite du communiste russe qui apprend que le PCF ne fait plus recette… Et les deux heures que dure le film filent ainsi sans aucun ennui. Le Concert avait d’ailleurs reçu un très bon acceuil en France, lors de sa sortie en novembre 2009, comptant en février 2010 plus d’1,8 millions d’entrées.
Mihaileanu dépeint en filigrane le fossé entre deux mondes : la France, esthétique et organisée et la Russie au charme anachronique, traînant derrière elle ses vieilles casseroles communistes. La première est lisse et aseptisée, sans idéaux. La seconde est un joyeux foutoir où tout le monde bouillonne et rêve de grandes choses. Stéréotypes encore mais utilisés intelligemment, aboutissant à une réflexion sur la cohabitation – voire la fusion – entre deux cultures.
Les deux pays se rejoignent en la personne d’Anne-Marie Jacquet, la violoncelliste qui permettra l’étincelle lors du concert dans la scène finale du film, interprétée gracieusement par Mélanie Laurent (voir interview). Anne-Marie, cette jeune femme à laquelle on a menti sur son passé, élevée en France mais fille de deux musiciens russes juifs – amis de Filipov – déportés sous le soviétisme. Avec son archet, elle offre à l’orchestre et au public l’”harmonie”, cette vieille rengaine de Filipov. La scène voit se rassembler les musiciens russes débraillés, le très chic public du Châtelet, le maestro et la fille de ses amis disparus, dans un même enthousiasme mélomane… Une fin qui sent l’eau de rose mais c’est un doux parfum.
Le Concert de Radu Mihaileanu. Avec Alexeï Guskov, Dmitri Nazarov et Mélanie Laurent.
Sortie le 30 juillet à The Paris (4 West 58th Street) à New York et au Landmark à Los Angeles (10850 West Pico at Westwood Blvd) puis en août dans le reste des Etats-Unis.
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