Ils ont ri pendant la scène du dîner, ils ont applaudi le baiser fougueux d’Albert et Haydée, ils ont sursauté lors du duel final entre Edmond Dantès et Fernand de Morcerf… Et au bout de trois heures de séance, leurs applaudissements enthousiastes ont résonné dans la pénombre de l’immense salle de la Directors Guild of America, mecque du cinéma, à West Hollywood. Ce mercredi 30 novembre, 650 lycéens américains, venus de Californie et de l’Utah, ont découvert en avant-première « Le Comte de Monte Cristo », produit par Dimitri Rassam, énorme succès populaire en France avec plus de 9 millions de spectateurs depuis sa sortie fin juin.
En tout, 3000 étudiants en français de 60 écoles ont vu l’adaptation sur grand écran du chef-d’œuvre d’Alexandre Dumas, grâce au « High School Screenings Program», qui a lieu tous les ans en marge de l’American French Film Festival (TAFFF). Sa 28e édition s’est déroulée du 29 au 3 novembre à Los Angeles. Alors que « Le Comte de Monte Cristo » concourrait en clôture du festival – sa première sur la Côte Ouest – ses réalisateurs, Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, ainsi que l’acteur Patrick Mille (Danglars) et le compositeur Jérôme Rebotier, ont rencontré les jeunes toute la semaine (en l’absence de Pierre Niney, retenu sur un tournage).
La projection a suscité chez eux de fortes émotions. « It was really good ! », « so cool », « We cried ! » ont réagi les lycéens, en se pressant au pied de l’estrade, pour poser une foule de questions aux cinéastes, dans un français plus ou moins assuré. Sans bouder leur plaisir, dans un anglais parfois tatônnant, les Français ont évoqué le « long processus » de préparation du film, le travail d’écriture à deux, semblable à « de l’architecture », le gigantesque tournage, qui les a emmenés jusqu’à Chypre où ont été filmées les scènes du Vieux port de Marseille… Au grand bonheur des lycéens.
« C’est notre première audience américaine et c’est un public qui ne triche pas. Ils ont entre 15 et 18 ans, ils viennent d’univers très différents. La plupart d’entre eux ont vu très peu de films étrangers. Là, c’est un film français, sous-titré, qui se passe au XIXe siècle, donc c’est un vrai choc. Et pourtant, ils ont été plutôt emportés, donc pour nous, c’est formidable », s’est réjouit Alexandre de la Patelière. Pour Matthieu Delaporte, leur réaction est assez proche de celle du public en France où leur film fait encore 40 000 entrées pour sa 19e semaine d’exploitation.
Un succès inattendu, après l’accueil plus classique réservé à leurs deux précédentes adaptations de Dumas, « Les Trois Mousquetaires » (en deux parties). « On fait un métier où la norme, c’est l’échec, rappelle Alexandre de La Patellière. La plupart du temps, on met toute son âme, tout son cœur à faire un film, on prépare une grande fête et les gens ne viennent pas. Aujourd’hui, on vit des émotions intenses (…) On reçoit beaucoup d’amour. Ça donne la sensation que toutes les décisions qu’on a prises étaient les bonnes. C’est plus facile de se projeter sur l’avenir » poursuit-t-il, alors que son complice et lui travaillent déjà sur l’écriture de leur prochain long-métrage (qui ne sera pas une adaptation de Dumas).
L’avenir de leur dream project, lui, se joue maintenant aux États-Unis. Le drame romanesque sortira en salles le 20 décembre, juste avant Noël. « Les États-Unis, Los Angeles, ça a un goût particulier, parce qu’on est des petits Français, on a grandi en rêvant du cinéma américain, confie Alexandre de La Patellière. Projeter notre film à la DGA, devant Michael Mann, on touche à du rêve pur d’enfant. » Si l’accueil des lycéens les encourage, rien n’est encore acquis. « Je me sens comme avant la sortie française, compare Matthieu Delaporte. Je suis sûr que si les gens viennent dans la salle, ils vont aimer le film. Est-ce qu’ils auront la curiosité de venir ? Je n’en ai aucune idée.»
Si c’est « Emilia Pérez », de Jacques Audiard (projeté en ouverture du TAFFF), qui représentera la France aux Oscars, le distributeur américain du « Comte de Monte Cristo », Samuel Goldwyn Film, a bien l’intention de le faire concourir dans toutes les catégories, selon Variety. Parviendra-t-il à créer le buzz comme Neon l’avait fait l’année dernière avec « Anatomie d’une Chute » de Justine Triet (un Oscar )? « On se bat avec des monstres qui n’ont pas les mêmes moyens, on fera le maximum », assure Alexandre de La Patellière, qui y croit : «The sky is the limit !»