C’est l’histoire d’une rencontre artistique longtemps désirée. Le chorégraphe français Noé Soulier, Directeur du Centre national de danse contemporaine à Angers, a été sollicité par la prestigieuse Trisha Brown Company de New York pour élaborer une pièce. « In the Fall » sera montrée au Joyce Theater (175 8th Avenue) du mardi 26 au dimanche 31 mars pour sa première américaine.
Depuis le décès de Trisha Brown en 2017, Noé Soulier n’est que la deuxième personne invitée à créer une nouvelle œuvre pour la très réputée troupe de huit danseurs et danseuses. « Quand ils m’ont sollicité, j’ai été très impressionné », confie ce trentenaire qui avait déjà travaillé aux États-Unis, il y a quelques années, en élaborant une pièce pour la LA Dance Project de Benjamin Millepied. « J’ai toujours été un admirateur du travail de Trisha Brown, poursuit-il. Elle a réellement inventé sa propre manière de bouger, de se mouvoir. »
Le chorégraphe français, lui aussi, a su inventer petit à petit son propre langage des corps. Il le développe dans son livre Actions, Mouvements et Gestes, bientôt traduit en anglais et qui va paraître aux États-Unis. L’ouvrage débute justement par sa découverte de Trisha Brown, et par la difficulté à reproduire les mouvements de l’artiste américaine. Face à cette difficulté, Noé Soulier en tire le besoin de se détacher de sa formation classique pour faire naître une nouvelle approche.
« Ce que j’ai développé depuis est né de ma rencontre avec le travail de Trisha Brown, explique Noé Soulier. Mais il y a des différences entre nos approches : dans le travail de Trisha, tout est très fluide. Chez moi, on trouve quelque chose de plus rugueux, plus haché. » Ce qui lui a évité de tomber dans le piège de la copie ou du pastiche quand il s’est agi d’imaginer une œuvre pour la compagnie de la chorégraphe qui l’a tant marqué.
La pièce, qui joue sur le double-sens du mot « Fall », puisqu’elle met en scène une chute, a été imaginée l’automne dernier lors de la résidence du danseur français à Albertine. Pendant un bon mois, il a travaillé avec la troupe dans un studio de l’East Village. Le loft était auparavant occupé par le Boy’s Club of New York et en gardé les vestiges (douches, vestiaires, etc.) qui lui donnent un charme un peu désuet. Noé Soulier, lui, n’a pas boudé son bonheur de faire partie un temps de la Grosse Pomme.
« Être un mois à New York à l’automne est quelque chose de génial, reconnaît-il. En y passant quelques jours, on a juste le temps de visiter quelques lieux. En y restant plusieurs semaines, on peut vivre un peu dans la ville, éprouver son rythme, sentir son énergie. Je logeais à Brooklyn et je traversais tous les jours le pont à vélo. Je me régalais de voir devant moi ce paysage moderniste qui ne ressemble à aucun autre. »
La pièce a déjà commencé à être rodée à travers diverses dates en France fin 2023. À New York, elle a été présentée en studio auprès, notamment, d’anciens danseurs de la compagnie. « La réception a été très chaleureuse, ils ont tous été très touchés par ma proposition et y ont vu une résonance avec le travail de Trisha Brown », exprime Noé Soulier. L’histoire donc d’une rencontre entre des artistes du corps qui se sont longtemps tournés autour. Quoi de plus naturel, finalement, pour des danseurs.