C’est une figure majeure de l’histoire contemporaine américaine que le Théâtre du Lycée Français (TLF) de San Francisco va mettre à l’honneur le vendredi 24 janvier 2025 : la pièce « Maya, une voix », mise en scène par Eric Bouvron, retrace en effet la vie de Marguerite Annie Johnson, plus connue sous le nom de Maya Angelou (1928-2014). Poétesse, romancière, danseuse de calypso, scénariste, réalisatrice, elle s’est engagée dans la lutte pour les droits civiques auprès de Martin Luther King et Malcom X. « Maya Angelou incarne la résilience, car elle a toujours continué d’avancer malgré sa couleur de peau dans une Amérique ségrégationniste et raciste. Pour moi qui ai grandi en Afrique du Sud, elle est un autre Nelson Mandela, confie Eric Bouvron, qui a écrit et mis en scène la pièce. En France, on la connaît peu, et on ne se rend pas compte de son importance. Quand on évoque « Maya », on pense d’abord à Maya l’abeille… »
Voir la vie de Maya Angelou mise en scène à San Francisco prend une dimension supplémentaire car la poétesse a passé une partie de son existence dans la Bay Area. Née à 1928 dans le Missouri, elle n’avait que 7 ans quand elle a été violée par l’ami de sa mère. L’auteur de ce viol sera assassiné par l’oncle de Maya. Suite à ce traumatisme dont elle se sent responsable, elle devient mutique pendant plusieurs années, et retrouve finalement la parole grâce à la lecture.
Elle déménage à Oakland avec sa mère à l’adolescence, et devient la première femme conductrice de tramway à San Francisco, à seulement 16 ans. Dans les années 1950, elle danse et chante le calypso dans plusieurs cabarets de la ville, notamment The Purple Onion et Hungry I, dans North Beach. Elle quitte San Francisco pour faire carrière d’abord à Los Angeles, puis à New York en 1959. Un discours de Martin Luther King la convainc de se lancer dans la lutte pour les droits civiques. En 1969, la première partie de son autobiographie I Know Why the Caged Bird Sings rencontre un franc succès qui ne se démentira plus.
La pièce commence avec le discours On the pulse of morning que Maya Angelou a prononcé lors de l’investiture de Bill Clinton en 1993. « Elle a ouvert la voie à d’autres poétesses, notamment Amanda Gorman, qui portait une bague avec un oiseau en cage lors de l’investiture de Joe Biden en 2021, en souvenir de Maya Angelou », rappelle Eric Bouvron. Auteur de pièces sur Lawrence d’Arabie (Molière de la meilleure mise en scène en 2022) et Zorba le Grec, le metteur en scène a décidé d’écrire sur la vie de Maya Angelou après un stage auquel participaient des artistes franco-américaines. « J’ai été ébloui par leur énergie. À la création de la pièce, en 2019, les cinq actrices chantaient a capella. Pendant le Covid, nous avons décidé d’ajouter de la musique. Il y a donc un musicien sur scène, qui donne du swing à la pièce. »
Peu intéressé par la mise en scène de pièces déjà existantes, Eric Bouvron choisit des sujets qui le font voyager et l’immerge dans la vie d’un peuple ou d’une culture. « Je m’inspire du théâtre classique de Peter Brook ou d’Ariane Mnouchkine, mais aussi du théâtre japonais ou africain. Je vis avec mes personnages bien au delà de la pièce, car je continue à me documenter sur eux, décrit-il. En ce moment, je lis des ouvrages sur Lawrence d’Arabie, et quand je ne vais pas bien, je regarde des vidéos de Maya Angelou sur YouTube. Maya, une voix permettra aux spectateurs de découvrir la vie de cette femme exceptionnelle, tout en se divertissant. C’est une pièce feel good qui donne de l’espoir. »
Déjà venu au TLF en 2018 pour présenter son adaptation du roman Les Cavaliers de Joseph Kessel (Molière 2016 du meilleur spectacle de théâtre privé), Eric Bouvron est ravi de « ramener Maya chez elle » à San Francisco. Interrogé sur ce que penserait Maya Angelou de la politique américaine actuelle, Eric Bouvron répond avec malice : « Elle tirerait Trump et Musk par l’oreille pour leur rappeler de rabaisser leurs egos, et ne de pas oublier l’humain. Celui qui domine oublie souvent cette dimension. Puis avec beaucoup d’amour, elle leur donnerait un coup de pied au cul. »