Il nous attend devant le somptueux Peninsula Hotel, appareil photo à la main, en train de capturer des instants de vie new-yorkaise. L’artiste français Jaouad Bentama n’est pas peu fier de nous montrer, en avant-première, les œuvres d’art qu’il expose, pour plusieurs mois, au 26ème étage du mythique cinq étoiles. Passé le hall d’entrée et le Gotham Lounge où figurent des œuvres de l’immense Keith Haring, nous prenons l’ascenseur jusqu’au 23ème étage.
À la sortie, le regard se pose directement sur les œuvres de Jaouad Bentama : une statue de Darth Vador en nylon chromé et réalisé en laser 3D, intitulée « After the storm ». Au-dessus, deux peintures qui représentent un horizon et l’absence de frontières. Dans le couloir, avant d’accéder au très sélect Salon de Ning et au bar rooftop, des dessins de personnages au feutre noir, réalisés en un seul trait, et qui donnent à voir un visage, un animal ou un immeuble.
Le «Mickey guy»
Une réalisation incroyable pour cet artiste, qui a grandi à Paris à déambuler dans les puces de Clignancourt et Saint-Ouen. « J’ai beaucoup de souvenirs de ces endroits, des bruits et des odeurs. C’est là que ma fibre artistique est née ». D’origine marocaine, sa mère crée des tapis à la main. Mais en 2012, c’est à New York, où il n’a pourtant jamais mis les pieds, qu’il décide de venir s’installer pour se réaliser en tant qu’artiste.
« C’était très difficile, je ne parlais pas anglais et menais une vie d’artiste bohémien sans le sou, à vendre mes dessins pour quelques dollars à Washington Square Park. Mais je suis aussi nostalgique de cette période car cela a été une grande découverte de moi ». Il rentre dans un collectif d’artistes à Brooklyn, puis à Con Artist Collective et à Bowery Union, tous deux dans le Lower East Side.
Rapidement, une œuvre le fait connaître au grand public : une peluche Mickey, rachetée à une vieille dame dans la rue, qu’il peint et réinterprète à sa manière. « Un mentor m’avait donné ce conseil : ‘Sache qui tu es et sois unique’. Cela m’a incité à utiliser des choses qui ont du sens pour moi ». Cette série de Mickey, et sa façon de se réapproprier une icône de l’enfance, lui a valu un succès international, et des clients VIP, comme les Kardashians ou Tony Parker. « Il (Mickey) m’a donné une belle visibilité mais cela s’est retourné contre moi, j’étais devenu le ‘Mickey guy’. Il reste dans ma vie mais je suis passé à autre chose ».
La renaissance après l’accident
En 2021, il s’associe avec la marque de sport Umbro pour dessiner 80 maillots uniques, représentant un puzzle coloré évolutif. Mais c’est lors d’un déplacement à Tulum, fin 2021, que le pire a failli arriver. Un accident de scooter plonge Jaouad Bentama dans le coma et se solde par 47 fractures et une plaque de métal dans le bras droit. « Je me suis raccroché à la vie et aux gens que j’aime. Cela a été un long combat. Aujourd’hui, je veux utiliser ce moment difficile pour faire quelque chose qui me dépasse ».
En novembre dernier, il tente un coup et installe incognito deux statues Darth Vador à taille humaine près du World Trade Center. Il suscite la curiosité des touristes et surtout, l’œuvre et son auteur sont repris sur les réseaux sociaux du monument. Mission accomplie, le buzz est fait. L’artiste s’est aussi mis à la photo, qui permet de capturer « le mouvement du monde et la vie ». Son ambition : réaliser une toile de photos, sur lesquelles les gens pourront peindre ou écrire, pour montrer que l’on peut se reconstruire. Puis ils pourront en arracher un morceau pour emporter une partie de l’artiste avec eux. Enfin, il est en train de monter une galerie 3D en ligne avec deux associés, qui aura pour vocation de mettre en avant des artistes en ligne. « La vie est un voyage, il ne faut pas rester figé », conclut Jaouad Bentama en souriant, qui nous invite à le suivre dans son périple.