Deux fois par mois, les lecteurs de French Morning nous soumettent leurs problèmes liés à l’expatriation et nous essayons de les aider en leur proposant des réponses apportées par les plus grands auteurs de développement personnel.
Aujourd’hui, le récit d’Alexis qui avait tout pour se réjouir de deux semaines sans enfants…
« Hey les gars ! Bachelor à partir de la semaine prochaine ! » C’est le texto que j’ai envoyé à mes potes tout début juillet. Célibataire pendant quinze jours. Ça ne m’était pas arrivé depuis des années. Je n’arrive même à me rappeler quand. Quand je dis « célibataire », c’est plutôt « sans enfants » qui est important. Trois garçons en bas âge, adorables, mais vraiment turbulents.
Plus de pression à la sortie du bureau pour délivrer la nanny à 6pm. Plus besoin de jongler avec l’agenda de mon épouse pour savoir qui peut accompagner les garçons à l’école. Plus de samedis réveillé à 6am ni de dimanches à les coller devant un écran pour dormir une heure de plus.
Libéré, délivré.
Pour être honnête, j’avais menti à ma femme en exagérant ma charge de travail qui m’obligeait à passer seul les quinze premiers jours de juillet à New York. Je pensais mériter un break. Mais je savais qu’elle aussi, en aurait eu bien besoin. Elle avait passé une année de folie et malgré mes efforts, la charge des enfants lui revenait plus souvent qu’à moi. Je me suis rassuré en lui promettant intérieurement « L’année prochaine, ce sera ton tour ».
Mes premiers jours de bachelor ont été topissimes. Le seul fait de rentrer à pied me remplissait d’une joie toute simple. Bien sûr, il y a eu les verres et les restos entre copains. Mais, ce que j’appréciai le plus : la tranquillité de n’avoir à penser à rien.
Mon épouse et moi nous parlions tous les jours. Je n’ai pas eu besoin de mentir pour lui dire qu’elle me manquait. Je sentais bien qu’elle était épuisée. Ses parents sont charmants, mais il ne faut pas leur demander de s’occuper des enfants. Et c’était encore à elle de se lever la nuit, de préparer les repas, faire les courses… J’aurais dû être là, avec elle.
Au bout de quatre jours de solitude, j’ai commencé à éprouver une gêne qui ne m’a plus quitté. Au point que j’ai décliné des invitations à sortir. À la maison, je tournais en rond. Je n’arrivais pas à m’occuper ni à prendre plaisir à ce que je faisais.
Finalement, en quittant New York, j’ai eu le sentiment de n’avoir profité de rien. Quel gâchis ! »
La réponse de French Morning
Merci, Alexis, pour votre histoire.
« Bachelor ». La première fois que j’ai entendu cette expression dans une conversation, j’ai cru qu’il s’agissait d’une remise de diplôme… : « Mais je ne savais même pas que tu passais des exams » ai-je dit, dans ma grande naïveté. Fou rire général, rougeur au front et très léger sentiment de honte… Au moins, je savais désormais ce que bachelor veut dire…
De votre côté, Alexis, ce n’est pas de la honte que vous ressentez, mais plutôt de la culpabilité.
Voyons ce qu’en dit Michelle Larivey dans La puissance des émotions.
Qu’est-ce que la culpabilité ?
On éprouve de la culpabilité lorsque nous agissons délibérément contre nos valeurs et que nous avions le choix de le faire ou non.
À quoi sert la culpabilité ?
La culpabilité est un terme générique recouvrant un ensemble d’émotion. On est en colère contre soi-même d’avoir outrepassé ses propres principes. On en désaccord avec soi-même. La culpabilité indique que l’on n’a pas été fidèle à nos principes… ce qui me permet de mieux les définir !
Que faire avec la culpabilité ?
Il nous appartient d’assumer la responsabilité de nos actes et de réparer réellement le mal que l’on a fait.
Je vous propose de compléter ces définitions avec la remarque très intéressante d’Achille Weinberg dans Le cerveau et la pensée : « Tout comme la peur ou l’amour peuvent rendre aveugle, le sentiment de culpabilité produit ce que les psychologues sociaux appellent un « biais d’attribution » : une personne qui éprouve de la culpabilité a tendance à s’attribuer la faute de tout ce qui lui arrive en négatif – un accident, une dispute, même parfois des événements dont elle est victime comme un vol (« c’est ma faute, je n’aurais pas dû laisser mon sac en vue ») ».
Alors, comment faire avec cette culpabilité ?
Dans Les renoncements nécessaires, Judith Viorst nous propose de considérer la culpabilité autrement :
« L’une des manifestations de la culpabilité excessive consiste à prendre des mesures punitives disproportionnées.
Pour un acte répréhensible qui ne devrait entraîner qu’un « je vous demande pardon », une petite tape mentale sur les doigts, on assiste à de surprenants actes d’autoflagellation: « J’ai fait cela, comment ai-je pu faire ça, seul un monstre de bassesse et d’immoralité peut faire une chose pareille, en conséquence de quoi je condamne ce criminel – moi-même – à mort. »
Cette culpabilité excessivement punitive revient parfois à verser tout un bol de sel sur un sandwich oeuf salade. Personne ne nie que le sandwich manque de sel, mais pas à ce point-là.
Autre forme d’excès : ce qu’on pourrait appeler culpabilité omnipotente, qui repose sur l’illusion de contrôle – l’illusion par exemple d’exercer un pouvoir absolu sur le bien-être de ceux que nous aimons.
Ainsi, s’ils souffrent, échouent, tombent malades dans leur corps ou leur tête, nous ne pouvons douter que la faute nous en incombe, que si nous nous y étions pris autrement, ou mieux, rien ne serait arrivé. »
Ne vous en voulez donc pas trop, cher Alexis : l’année prochaine, ce sera au tour de votre femme d’être bachelorette. Si elle le souhaite, bien sûr.
📆 Retrouvons-nous fin août avec l’histoire de Vincent, qui attend septembre avec beaucoup d’angoisse.
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Nicolas Cauchy est romancier, animateur d’ateliers d’écriture. Il s’est passionné pour le développement personnel lorsqu’il travaillait dans l’édition en France et s’est constitué une grande bibliothèque qu’il emporte partout avec lui. Il vit à New York depuis deux ans. Son site.