Opinion. Par Olivier Piton, auteur de “La Nouvelle Révolution Américaine”.
La campagne présidentielle américaine de 2016 marque une rupture dans l’histoire politique du pays. Les discours habituels, les thématiques immuables, tenus par les probables nominés à l’investiture des deux grands partis, semblent avoir été laissés de côté. Chez Donald Trump, aucune allusion ou si peu à l’avortement, à cette vision bigote de l’exercice du pouvoir où un époux volage ferait forcément un mauvais président, ni à la peine de mort.
En revanche, le milliardaire enfourche des chevaux de bataille inédits. Il fustige l’immigration dans un pays qui s’est bâti sur l’apport de populations diverses. Il critique la mondialisation dans le pays qui en a le plus profité. Il s’exprime sur la paupérisation de la classe moyenne, rejoignant certaines thèmes formulés par Bernie Sanders, il fustige le politiquement correct à coups de saillies sexistes dans une société qui l’a inventé.
Chez Hillary Clinton, en dépit des mouvements comme Occupy Wall Street, qui ont réactivé la thématique de la lutte des classes, le discours, très « maternant », se concentre moins sur les avancées sociétales que sur les droits des individus. Hillary Clinton pousse à l’extrême une sorte de clientélisme communautariste où l’acceptation de la « différence » prime sur la quête d’un meilleur pouvoir d’achat. Pour échapper à son statut de candidate du “système”, Clinton joue la “women card” contrairement à ce qu’elle avait fait lors de sa campagne de 2008. Elle célèbre à sa façon le “vivre ensemble” américain, la diversité y compris ethnique et sexuelle. Elle critique en creux le discours de Donald Trump pour mieux souligner que la société à laquelle elle aspire sera ouverte, accueillante, fraternelle.
Or ce qui frappe dans ces postures, c’est à quel point elles font écho aux thèmes de campagne qui existent en Europe.
Donald Trump récupère et recycle les thèses populistes. C’est ce mélange de méfiance vis-à-vis de l’étranger et de prises de positions sociales fortes à l’adresse des classes populaires qui en sont la marque de fabrique.
Hillary Clinton se retrouve très à l’aise dans le camp de l’alliance entre sociaux-démocrates et démocrates chrétiens qui gouvernent l’Europe occidentale depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Elle est l’héritière de la “gauche des campus”, celle de Saul Alinsky sur lequel elle a écrit sa thèse, qui ont troqué la lutte des classes contre la lutte des minorités. Cette gauche “de gouvernement” se retrouve aussi bien chez François Hollande ou Matteo Renzi, alors que Bernie Sanders, qui affirme que la lutte contre les inégalités est la mère de toutes les batailles, peut davantage être identifié au Travailliste britannique Jeremy Corbyn, à Podemos en Espagne ou Syriza en Grèce.
L’Amérique de 2016 n’est plus tout à fait l’Amérique. L’élection présidentielle de 2016 annonce une nouvelle page de son histoire politique. L’enjeu de cette campagne sera de déterminer quelle sera la nature de ces changements et quelles seront les conséquences de la victoire d’un camp ou d’un autre. Comment l’Amérique en est-elle arrivée à devoir choisir entre un national populiste et une social-démocrate interventionniste. Et quelle politique le vainqueur mènera-t-il vraiment.
Olivier Piton est avocat en droit public français et américain. Il a collaboré auprès de trois ambassadeurs de France aux Etats-Unis sur les affaires publiques et les relations gouvernementales. Il a créé et dirigé la cellule de stratégie d’influence de l’ambassade de France à Washington DC de 2005 à 2010. Depuis 2014, il est le président de la Commission des Lois à l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE).
Son livre,“La Nouvelle Révolution Américaine”, est paru aux éditions Plon.