« Je n’ai toujours pas lu Le Misanthrope », plaisante Lambert Wilson quand il nous parle de son film « Alceste à bicyclette » (“Bicycling With Molière”), une histoire d’amitié entre deux acteurs qui essaient de monter la célèbre pièce de Molière.
L’un (Lambert Wilson) joue dans une série à succès diffusée en prime time, l’autre (Fabrice Luchini) vit en ermite sur l’Ile de Ré. Sa quiétude se trouve chamboulée par le premier, Gauthier Valence (joué par Lambert Wilson) qui vient lui proposer un rôle dans la pièce qu’il met en scène : Le Misanthrope de Molière.
Et misanthrope, Fabrice Luchini l’est dans ce film. Son personnage Serge Tanneur, ancienne gloire des planches de l’Hexagone, s’est retiré du métier depuis trois ans. Sur l’ile, il vit dans une vieille maison dont il a hérité, porte une barbe de plusieurs jours et s’est mis aux natures mortes pour passer le temps. Lorsqu’il voit son ancien partenaire de tournage débarquer de Paris, chez lui, à l’improviste pour lui proposer de renouer avec ses premiers amours, le comédien s’emporte. Il refuse de jouer la pièce, puis petit à petit lâche du leste. Il y prend goût, lui cet amoureux transit de la langue française.
Obsédé par les pièces de Racine, Lambert Wilson avoue que faire du Molière à l’écran n’était pas dans ses priorités. «Je n’ai pas toujours eu envie de m’attaquer au Misanthrope, c’est une pièce intimidante », rapporte celui qui a fait ses premières armes au théâtre. C’est justement dans cette expérience théâtrale qu’il a puisé pour nourrir son personnage. « J‘ai pu mettre au service de mon personnage l’obsession que l’on peut avoir pour un texte classique » explique-t-il.
L’acteur sait aussi qu’un film mettant en avant une pièce de théâtre peut être vu comme difficilement accessible : « parfois lorsque l’on pense à Molière cela agit comme un repoussoir, on y voit de l’ennui, on a des mauvais souvenirs de l’école mais on ne doit pas se laisser impressionner : le film est cocasse, burlesque, il faut se préparer à un divertissement! », affirme-t-il.
Avec de tels ingrédients, la sortie du film programmée mercredi 21 avril au Film Forum de New York, est prometteuse: « Le film s’en est très bien sorti au festival du film de Tribeca, le public américain réagit de plus en plus à l’aspect comique du film, il est plus bon enfant par rapport au public français », selon Lambert Wilson.
Mais si le film reste un divertissement, il n’en est pas pour autant tendre avec le milieu du cinéma. En témoigne les quelques mots lâchés par Serge Tanneur: « C’est ça, la réalité de ce métier, il n’y a pas d’amitié, pas de fidélité, pas de loyauté », pour expliquer sa retraite anticipée, loin de la capitale.
Mais à cette réplique, Lambert Wilson, lucide, ajoute: « Ce sont des propos qui pourraient s’appliquer à plein de professions. Oui, il y a des trahisons, c’est un univers dans lequel il y a plus de mouvement et donc moins de stabilité dans les rapports ». Heureusement, ça n’est que du cinéma!