Les médias anglo-saxons se sont longtemps étonnés de la relative “tolérance” des Français à l’égard de la vie privée de leurs dirigeants. Mais alors que les détails les plus intimes de la vie de DSK ont été révélés lors du procès dit “du Carlton”, le journaliste du New York Times Dan Bilefsky entrevoit un changement de tendance.
“L’affaire a libéré la France d’un tabou”, analyse-t-il dans un récent article, où il dresse le bilan du procès. Selon le journaliste américain, les récentes affaires du Sofitel de New York et du Carlton de Lille mettent à l’épreuve la culture très française du respect de la vie privée des hommes publics. S’il est fort probable que l’ancien directeur du FMI soit acquitté, l’affaire n’en aurait pas moins franchi un cap propre à “légitimer les dérives privées de tout dirigeant”.
“Une phase nouvelle”
“Avec DSK, nous entrons dans une phase nouvelle”, explique-t-il en citant directement le biographe de l’intéressé, Michel Taubmann, auteur de The May 2011 episode. Michel Taubmann y décrit la soirée du 14 mai 2011 comme le point de départ de cette nouvelle tendance. “Avant l’affaire du Sofitel à New York, tout le monde savait que DSK avait une vie privée controversée mais personne n’avait jusqu’alors osé en parler. Maintenant les gens n’hésitent plus à observer la vie privée des politiques par le trou de la serrure, mais contrairement aux Etats-Unis, en France ce n’est pas forcément pour une question de morale”. Une analyse que semble confirmer la très forte médiatisation de la liaison du président François Hollande avec l’actrice Julie Gayet, en février 2014.
Le journaliste rappelle que les excuses publiques “à la Clinton” ont longtemps été considérées en France comme “peu nécessaires, voire peu dignes”, avant d’ajouter que l’ancien directeur du FMI s’était contenté de répondre aux journalistes qu’il n’était pas jugé pour “son comportement sexuel”. Et pourtant le traitement de l’affaire a atteint un niveau d’indiscrétion qui surpasse certainement ce que l’ex-président américain Bill Clinton a été amené à endurer lors de la révélation de sa liaison avec Monica Lewinsky, en 1995.
Une réaction “très française”
Malgré tout, “l’affaire aura eu l’avantage de révéler les limites de ce que les Français sont prêts à accepter de la part de leurs dirigeants. Pour beaucoup, Dominique Strauss-Kahn est allé trop loin”, analyse-t-il. De fait, depuis l’humiliation publique du Sofitel, où DSK s’est vu exposé menottes aux poignets face au monde entier, la chute à été vertigineuse : démission du FMI, divorce avec la journaliste Anne Sinclair, mise à l’écart de la sphère politique, déballage publique d’une vie privée peu conventionnelle… La liste est longue, et selon le journaliste “il fait peu de doutes que DSK est politiquement mort”.
Mais pour autant, “ nombreux sont ceux qui pensent qu’il est quelqu’un de trés compétent, notamment en économie, et qu’il a toujours un rôle à jouer. C’est très français!”, ajoute-t-il en citant un sondage du Parisien paru le 1er février, et dans lequel 79% des Français affirment que DSK aurait fait un meilleur président que François Hollande. Et de trancher sur la question : “Ce ne sont pas tant ces scènes de libertinage exposées au tribunal qui ont semblé offenser les Français, mais plutôt l’inconscience d’un homme qui se croyait invincible”.