Elle a joué aux côtés de nombreux « grands » du cinéma américain – Meryl Streep dans « Le Diable s’habille en Prada », Jeff Bridges, Steve Carell… – ainsi que dans la série à succès « A Million Little Things » sur ABC. Pourtant, la Française Stéphanie Szostak ne peut s’empêcher de ressentir le fameux syndrome de l’imposteur, ce sentiment de doute persistant sur ses propres compétences.
Elle se souvient notamment de la « paralysie intérieure » qui l’a foudroyée lors du tournage de « Dinner for Schmucks », la version américaine du « Dîner de Cons » et le premier long-métrage où elle occupa l’un des rôles principaux. « Je me suis retrouvée sur un énorme plateau avec des acteurs très connus (Steve Carell, Paul Rudd, ndr) et je ne savais pas comment trouver ma place. J’étais obnubilée par ce que les autres pensaient de moi. J’ai perdu mon habilité à jouer au sens premier du terme, à savoir prendre du plaisir à sauter dans l’inconnu les pieds joints dès qu’on entend ‹ action ! › », explique-t-elle, attablée dans un café de Westport (Connecticut), sa ville de résidence.
Cet épisode, elle l’aborde dans son livre de développement personnel, Self!sh. Publié en octobre dernier en partenariat avec l’association de sensibilisation au bien-être mental, Give an Hour, dont l’actrice est l’ambassadrice, l’ouvrage mêle témoignages et exercices interactifs pour aider le lecteur à se construire un « carnet de bord » afin de l’aider à affronter les moments de doute. Il est notamment invité à s’interroger sur ses réussites, ses objectifs, sa philosophie de vie, ce qui le plombe…
La démarche est inspirée de la feuille de route que Stéphanie Szostak s’est elle-même constituée pour faire face aux défis personnels et professionnels. Elle l’a entamée en 2013 sur le tournage du film « R.I.P.D. », dont elle partage l’affiche avec Kevin Bacon, Ryan Reynolds et Jeff Bridges. Saisie par l’anxiété, elle prenait alors l’habitude de lire chaque matin des cartes mémoires où elle avait reproduit des passage de The Seven Spiritual Laws of Success, l’ouvrage du gourou de la méditation Deepak Chopra, pour se mettre en confiance. « On a tous nos playlists de chansons qu’on adore, des bouquins de cuisine avec nos recettes préférées, des albums avec les photos qu’on aime etc, mais on n’a rien pour rassembler tout ce qui nous aide à naviguer la vie, affirme-t-elle. J’aurai toujours le syndrome de l’imposteur. Par contre, les moments de malaise durent moins longtemps car je les vois sous un autre jour. Ils m’enracinent dans l’humilité, la gentillesse et la compassion ».
Son manque de confiance s’explique en partie par le fait que la Française de 48 ans est arrivée au cinéma sur le tard. Élevée en région parisienne, l’ancienne étudiante de Nanterre est venue s’installer aux États-Unis, pays de son père, pour pratiquer… le golf au niveau universitaire. Diplômée d’une école de commerce en Virginie, elle décroche un poste d’assistante dans le domaine du marketing des soins de la peau au sein de Chanel à New York. « C’était le rêve mais je me suis rendu compte en même temps que ce n’était pas vraiment ce que j’avais envie de faire », dit-elle.
Cinéphile depuis l’enfance, elle se rapproche de l’univers de la comédie. Après quelques expériences dans le mannequinat et la publicité, elle décide de prendre des cours de théâtre. Elle a 29 ans. « J’ai dit à mon agent que je voulais suivre une formation, mais il m’a dit: t’es trop vieille, t’as un accent… Ça a mis trois ans et finalement, je me suis dit: m***e, et je me suis inscrite ».
Ses premiers pas sur scène sont difficiles. Dans Self!sh, elle explique avoir eu le sentiment d’être humiliée par la professeure et de s’être demandée ce qu’elle faisait là, au milieu d’acteurs et d’actrices plus confirmés. Mais elle s’est accrochée. « Quand j’étais gamine, je voulais être psy ou travailleuse sociale pour aider les gens. Jouer la comédie, c’est en quelque sorte une étude des caractères humains, de nos motivations ».
Les rôles s’enchaînent : après Jacqueline Follet dans « Le Diable s’habille en Prada » en 2006, on la voit dans « Iron Man 3 », « Dinner For Schmucks », « The Good Heart », « We bought a zoo »… Mais c’est certainement celui qu’elle a occupé dans « A Million Little Things » qui a servi de catalyseur à l’écriture de Self!sh.
Dans cette série, elle joue Delilah Dixon, la veuve d’un homme dont le suicide secoue son groupe d’amis. Une réflexion poignante et fine sur le deuil, l’expression de la douleur et la santé mentale. Pour se préparer à ce rôle, elle a notamment travaillé avec la docteure Jennifer Ashton, dont l’ex-mari a mis fin à ses jours en sautant du pont George Washington à New York en 2017. Stéphanie Szostak elle-même n’est pas étrangère à la mort. Elle a perdu son frère toxicomane quand il avait 28 ans.
« On a reçu beaucoup de messages de la part de téléspectateurs qui nous ont dit que la série leur avait parlé, dit-elle. Cela m’a donné le courage d’écrire le livre, moi qui suis plutôt privée, observe-t-elle. Si ça peut aider au moins une personne, pourquoi ne pas le faire ? ». Au moment où les États-Unis traversent une profonde crise de santé mentale dans le sillage de la Covid, il n’y a pas de petit geste.
Publié le 26 décembre 2023. Mis à jour le 23 janvier 2024.
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