Zoom, c’est déjà poussiéreux. C’est ce qu’on se dit en voyant la technologie de La Vitre : un grand écran vertical et interactif qui permet de voir son interlocuteur de la tête aux pieds. « Elle permet d’observer toute la communication gestuelle et verbale d’une personne, ses petits tics, mais aussi son environnement complet, pas simplement la tête, raconte Anthony Vannier, le co-fondateur de la société, qui s’exprimait via l’écran depuis la France. C’est très important car c’est tout cela qui caractérise quelqu’un ».
Dans le sillage de participations au salon tech CES de Las Vegas, la start-up nantaise, qui ambitionne de ré-inventer la collaboration à distance, entend se positionner sur le marché américain. Elle a ouvert des showrooms à New York, dans les locaux de French Founders, où se trouvent aussi ses bureaux, et à Montréal (Québec). La Californie est aussi dans son viseur.
Non, La Vitre n’est pas un produit de la pandémie. Elle a vu le jour officiellement en février 2019. Anthony Vannier et ses deux autres associés, Romuald Boulanger et Thierry Bouquain, au sein de l’agence digitale UCAYA, avaient constaté des difficultés de communication entre leurs équipes de développeurs à Nantes et Paris. « On s’est dit qu’on pourrait créer quelque chose à nous pour rendre le travail plus fluide ». Ils finalisent l’outil en 2015 et décident de créer une structure indépendante, UCAYA, 4 ans plus tard.
Se lancer avant la crise sanitaire était-elle une bonne chose ? Pas forcément. « On ne vend pas ce produit pour faire du télétravail. Notre but est d’interconnecter des espaces distants, et le plus souvent ce sont des bureaux. Quand ceux-ci se sont vidés, nous avions des clients qui avaient acheté des Vitres mais qui ne s’en servaient pas », précise Romuald Tuffery, le responsable du développement de la marque en Amérique du Nord, arrivé à New York il y a six mois. « Le business a vraiment démarré en 2021 », ajoute Anthony Vannier.
La Vitre ne permet pas « que » de voir une personne en grandeur nature. Elle est équipée d’outils interactifs qui donnent la possibilité à ses utilisateurs de partager des documents et des images, d’écrire sur l’écran et même de traduire en temps réel les propos tenus. Pour l’activer, il suffit de taper dessus comme si c’était la porte d’une salle de réunion. La Vitre reste allumée, mais sa luminosité se réduit automatiquement quand personne n’est devant, au bout d’un certain temps.
En France, l’entreprise peut se targuer d’avoir un beau portefeuille de clients (Accenture, BNP Paribas, Safran, Chanel, Engie…). En plus d’être utilisée dans le monde corpo pour faciliter les échanges, la solution a aussi été mobilisée dans le cadre de conférences pour permettre à des intervenants de s’exprimer devant une salle où ils ne se trouvaient pas. L’an dernier, deux Vitres ont été installées dans les couloirs du Stade Orange Vélodrome pour permettre à des supporteurs d’interagir avec les joueurs de l’Olympique de Marseille, en marge d’un match contre l’AS Monaco.
Autres usages possibles : l’immobilier, ou encore l’hôtellerie. « On l’utilise pour accueillir les clients d’un hôtel ou comme doorman, précise Romuald Tuffery. Un hôtel qui a du mal à trouver des recrues pour recevoir du monde, la nuit, pourrait recourir à la Vitre et permettre à une personne de gérer la réception de plusieurs hôtels à la fois ».
L’arrivée de l’entreprise aux États-Unis s’est faite de manière organique. « On travaille avec des grands comptes français, comme Natixis, Capgemini ou Sanofi, qui voulaient installer une Vitre dans leurs bureaux américains, poursuit-il. On s’est rendu compte que, sans faire d’efforts, on pouvait vendre ici. Il y a une carte à jouer car le marché américain est 50 fois plus grand que la France ». Des sociétés d’assurance et des banques ont déjà manifesté de l’intérêt. Encore faut-il que les bureaux se remplissent.